Le football isérois vit un début de saison difficile : constat et perspectives

Le football isérois vit un début de saison difficile : constat et perspectives

Ce week-end de cinquième tour de la coupe de France a confirmé la tendance du début de saison : les formations iséroises sont à la peine. Elles n’ont été ainsi que deux à se qualifier pour le 6ème tour : le FC Bourgoin-Jallieu (face à Echirolles) et Charvieu Chavagneux. Elles n’étaient déjà que trois (Domarin, Échirolles, Vézeronce Huert) l’an dernier et 5 (le GF38 alors en National, le FCE, la Tour Saint-Clair, la Vallée de la Gresse et Seyssinet) lors de l’édition précédente au même stade de la compétition. Lentement mais sûrement les résultats régressent, et c’est aussi le cas dans les championnats de Ligue.

Quelles sont les raisons de cette situation et cette dernière est-elle inéluctable ? On s’est penché sur la question.

L’argent fait le bonheur

S’il n’explique pas tout, impossible de passer outre l’argument financier. D’autant qu’on peut le corréler à d’autres facteurs explicatifs. Primes plus élevées, fixes attribués à des joueurs de R2 voir R3… L’argent reste un sujet tabou donc difficile d’avoir des informations précises sur le sujet et de discerner ce qui relève du mythe et de la réalité. D’après une enquête du Progrès, le budget de Roanne (R2) serait de 300 000€. L’an passé, Thonon Evian – symbole de l’émergence du football amateur hauts-savoyard qui s’est construit parallèlement et/ou sur les ruines de l’ETG – aurait disposé d’un budget de 800 000€…

« On ne peut pas rivaliser » reconnaît Manuel De Almeida, directeur sportif du FC Bourjoin-Jallieu, qui parvient difficilement à conserver ses meilleurs éléments d’une année à l’autre. « Nous, on a fait le choix de répartir notre argent sur toutes les équipes du club là où certains axent davantage tout sur leur équipe fanion. Et puis globalement la mentalité a beaucoup changé. Des Guillaume Danjoux (joueur de la Tour Saint-Clair toujours resté dans son club malgré de nombreuses sollicitations), on n’en fait plus. Aujourd’hui on voit des mecs changer de club pour 100€ de plus, sans avoir d’assurance de jouer. »
Le président de Vénissieux (R2) indiquait de son côté dans une récente interview percevoir 140 000€ de subvention de sa mairie et n’être par contre plus .Des chiffres qui ont pourtant déjà de quoi faire rêver les clubs isérois.
A titre de comparaison le FCBJ, 2e club du département, perçoit ainsi une subvention municipale de 100 000€ alors qu’il évolue au 5ème échelon national. Des clubs comme l’AC Seyssinet (R2, 40 000€ de sub’ municipale) ou Eybens (R3, 29 000€) payent de leur côté la faiblesse démographique de leur ville.

En ce qui concerne la manne financière venant des collectivités territoriales, la solution pourrait venir de fusions… Autant dire que ce n’est sans doute pas demain la veille. On vous laisse évoquer l’idée d’une fusion Seyssinet – Seyssins auprès des intéressés par exemple.

L’apport privé semble être un modèle plus pérenne mais nécessite aujourd’hui un gros travail de structuration dans la plupart des clubs.

Un manque d’infrastructures

En lien avec les moyens financiers, de nombreux clubs isérois ne disposent pas aujourd’hui d’infrastructures au niveau. « On n’a pas de siège – on doit être le seul club en Isère dans ce cas, notre synthétique est en très mauvais état », pointe par exemple Mathieu Cianci, le co-entraîneur de l’AC Seyssinet (R2). Et le technicien préfère sans doute oublier que son équipe n’a quasiment pas pu évoluer sur sa pelouse de Guétat l’an dernier après que des corbeaux se soient occupés de la détériorer…
Le constat est encore plus terrible du côté de la Vallée de la Gresse (R3) qui n’en finit plus d’attendre son terrain synthétique. « Et pourtant cela nous permettrait de gagner en qualité et surtout d’être plus attirant. Déjà qu’on n’a pas de prime, pas de fixe… (sur les conditions d’entraînement) Il faut le voir pour le croire ! », déplore Christophe Cuynat. « On vient de jouer à Mions, ils ont un complexe de 2 millions d’euros tout neuf. Et nous on se dit qu’avec 3 communes (le FCVG regroupe les communes du Gua, de Varces et de Vif) on est incapable de monter un projet comme ça. C’est honteux. »

Avec une période électorale qui arrive, c’est sans doute le bon moment pour voir fleurir les promesses (seulement les promesses dans un premier temps) de projets pour un football isérois touché à tous les niveaux (de la Ligue 2 au District) par cette carence en infrastructure de qualité. Eybens devrait bientôt disposer d’un nouveau terrain synthétique. C’est un début. Espérons que cet exemple soit suivi.

Le GF38, une locomotive qui se fait attendre

Le Grenoble Foot 38 a retrouvé sa place dans le monde professionnel. Et c’est une bonne nouvelle pour le football isérois même si par bien des aspects le club de la capitale des Alpes reste encore très « amateur ».
Fin connaisseur du football local Arnaud Genty, aujourd’hui dans le staff de Philippe Hinschberger, se souvient « qu’à l’époque de la Ligue 1 le club était un moteur pour le foot isérois. On avait Eybens et Seyssinet en DH, Echirolles en N3. Avec des joueurs formés à Grenoble, c’était une vraie locomotive. Aujourd’hui on voit que dans des clubs comme Saint-Priest ou la Duchère, il y a pas mal de joueurs formés à Lyon. »
On pourrait même aller plus loin dans la réflexion avec une réserve grenobloise, qui évolue seulement en Régional 1, qui récupère les meilleurs joueurs locaux, à l’image de Mathieu Gourgand, meilleur buteur de Ligue avec Manival il y a deux saisons, au lieu de nourrir les clubs alentours.
Une montée en N3 de l’équipe B grenobloise et surtout ce fameux centre de formation qu’on n’en finit plus d’attendre mais qui finira bien par sortir de terre un jour, seraient donc de bonnes nouvelles.

Un manque d’ambition ?

On a parlé de nombreux critères que les clubs subissent, finalement. Mais le football isérois se donne-t-il, au-delà de ces derniers, véritablement les moyens de viser plus haut aujourd’hui ?
Prenons l’exemple d’Échirolles, lanterne rouge en R1 après avoir flirté avec la montée en N3 il y a à peine quelques mois. Le staff a décidé de miser sur la stabilité d’un groupe de qualité et sur des joueurs déjà présents au club. C’est louable. Se faisant, il a donc choisi de ne pas étoffer son effectif (Cheribet, Frendo et Paczesny faisaient par exemple partie des fortes rumeurs estivales) et de ne pas remplacer son gardien Hamza Dahmane (sans doute ce qu’il se fait de mieux en Isère avec Bemenou sur ce poste). Avec une infirmerie bien garnie en ce début de saison, il le paye. Alors que la concurrence est de plus en plus sévère à ce niveau, mieux s’armer semble de toute façon inéluctable si l’on aspire à accéder à l’étage supérieur. Et dans ce cas précis, plus qu’une question de moyens, ce fut une question de choix.

Privés de moyens financiers et structurels, les clubs du département n’ont pas d’autre choix pourtant que de miser sur un « projet » pour être attractif. « C’est ce qu’on a essayé de faire avec Greg (Bardaro) quand on a repris l’équipe », explique Mathieu Cianci. « Quand on est dans une dynamique négative, c’est difficile de conserver les joueurs et/ou d’en attirer de nouveaux. A Seyssinet, heureusement que notre projet sportif est attractif et que le niveau R2 reste le 2ème en Isère car cela nous permet d’avoir un effectif de qualité. »

Le discours est identique chez François Bernard, entraîneur/joueur de l’US Jarrie-Champ, relégué en D1 cette saison. « Quand on est à l’extérieur de Grenoble, en terme d’accessibilité ce n’est pas simple de faire venir du monde. On ne propose pas d’argent, ce qui va faire venir un joueur c’est le projet de jeu, l’aspect plus famille, partager des bons moments… »

Et dans un football où le joueur amateur devient de plus en plus consommateur, il devient de plus en plus compliqué de le satisfaire.

Sans tomber dans le catastrophisme pour autant – il y a de la qualité sur le terrain et sur les bancs en Isère ! – on ne peut nier que le constat actuel est alarmant, que la dynamique est mauvaise et surtout que les écarts tendent plutôt à s’agrandir avec les départements voisins.
Il n’y a probablement pas de recette miracle pour redresser la barre mais si tout le football isérois, ses instances dirigeantes en tête, se décidait à tirer dans le même sens, ce serait déjà, à notre humble avis, un premier pas dans la bonne direction.