Lionel Herrera (Espoir Futsal 38) : « La volonté de pérenniser le club »

Lionel Herrera (Espoir Futsal 38) : « La volonté de pérenniser le club »

Président de l’Espoir Futsal 38 depuis sa création en 2012. Lionel Herrera nous parle en toute franchise de son club de futsal basé dans le village de Saint-Alban de Roche, en périphérie de Bourgoin-Jallieu. Entretien.




Lionel Herrera, vous êtes Président de l’Espoir Futsal 38 de Saint-Alban, parlez-nous de vous et de votre club.

Le club a été créé en 2012 par mon fils Thomas Herrera et son ami Jonathan Lepinay. Ils ont tous les deux joué à haut niveau en futsal : championnat universitaire, division 1… Moi je viens initialement du milieu des sports de combat mais quand mon fils est venu me demander si je pouvais gérer la partie administrative du club, je n’ai pas hésité une seule seconde.

Aujourd’hui, dans quel schéma vous vous placez ?

L’équipe senior joue dans la plus haute division de district, le cinquième échelon au niveau national. On a un groupe très solide et solidaire avec plein de gars présents depuis les débuts. En plus, cette année on a fini deuxième du Championnat et on atteint la finale de la Coupe d’Isère, ce qui nous laisse entendre que l’on peut prétendre à continuer de grimper les échelons. Le problème c’est que pour jouer en Élite, ce n’est pas simplement une question de résultats sportifs, il faut également remplir un lourd cahier des charges.

Qui est ?

Avoir une équipe réserve, un arbitre affilié au club, deux délégués en sécurité présent à chacun des événements, un terrain homologué. Je dois aussi penser à trouver le moyen de quadrupler mon budget si l’on veut passer en division Elite. Cela fait beaucoup pour un petit village de 2000 âmes mais on y croit ! (rire)

Quelles sont les pistes pour parvenir à vos objectifs ?

Pérenniser le club ! Pour commencer cette année nous nous sommes ouverts au sponsoring. On communique aussi beaucoup plus qu’avant car on a fini par comprendre que c’est en faisant parler de nous que l’on reçoit de plus en plus de soutiens. Nous allons également inscrire une équipe réserve cette année. On essaye aussi de voir si l’on peut créer des équipes de U9, U11 et U13. On fait cela non seulement car nous aimerions développer la structure mais aussi parce qu’il y a de la demande. Par exemple, au salon des associations du village chaque année je rencontre des mamans et des papas qui me demandent quand est-ce que l’on va créer des équipes pour les enfants. On espère que cette année sera la bonne.

Envisagez-vous de créer une équipe féminine également ?

On aimerait beaucoup mais cela risque d’être beaucoup plus compliqué. Le problème n’est pas tant de former une équipe mais plutôt de savoir contre qui on va jouer. On est le seul club de futsal du coin ! Autant pour les enfants on peut trouver des terrains d’entente avec les clubs de 11 environnant pour organiser des tournois en salle. Autant chez les filles il y a un manque cruel de joueuses qui nous empêche de pouvoir imaginer monter une équipe.

Que faut-il savoir sur le futsal ? Au final, nous connaissons tous plus ou moins la discipline de nom mais guère plus.

Premièrement, le futsal se pratique à cinq contre cinq. Quatre joueurs de champ et un gardien. C’est beaucoup plus physique et technique que le football à 11 car les joueurs sont en permanence en train de produire des efforts intensifs. D’où l’idée d’instaurer des rotations de joueurs et non des remplacements.

Pensez-vous que cela rend cette discipline plus agréable à regarder dans ce cas ?

Très honnêtement oui. On ne va pas se mentir mais parfois en regardant du football à 11, on s’ennuie un peu. Le futsal c’est plus rapide, plus spectaculaire. La dimension physique a son importance, certes, mais presque moins que la technique et la tactique. L’espace réduit force les équipes à redoubler d’ingéniosité et de créativité autant pour attaquer que pour défendre. Il y a très peu de temps creux aussi. Cela ne laisse pas temps au spectateur de s’ennuyer.

Comment expliquer que le football à 11 soit plus populaire dans ce cas ?

Pour commencer il est beaucoup plus ancestral. Ensuite le futsal a une identité de banlieue, presque communautaire. Il s’est développé là où les mairies préféraient mettre des gymnases à dispositions aux jeunes de leurs quartiers pour qu’ils puissent taper dans la balle même en plein hiver plutôt que faire des bêtises dehors. Bien qu’on ait conscience de cet héritage, nous on tâche de lisser cette image. Le futsal n’est pas réservé qu’aux populations des quartiers, tout le monde peut venir jouer au foot dans une salle. C’est aussi un lieu qui peut servir à la mixité sociale.

Parlez-vous seulement du cas français ou c’est aussi a peut prêt ce qui se passe partout dans le monde ?

Je parlais du cas français. Dans d’autre pays comme au Portugal, en Espagne ou au Brésil, le futsal est un sport beaucoup plus populaire et marche main dans la main avec le football à 11. Dans la péninsule ibérique, petits, les joueurs jouent autant dedans que dehors. Des superstars comme Cristiano Ronaldo, Xavi, Iniesta ont beaucoup fait de futsal plus jeune. Au Brésil aussi, avec leur amour du geste technique ça ne pouvait que se développer là-bas aussi. Ronaldinho, par exemple, est un fou du futsal. Même au Kazakhstan ils ont une grosse équipe même si là c’est aussi en grande partie parce que leur dictateur est fan de la discipline.

Pour revenir en France, a-t-on une chance de voir le futsal se développer autant que dans ces pays ?

Autant je ne sais pas. Par contre, je suis persuadé que la discipline va exploser. La Fédération Française de Football à laquelle on est encore affiliés estime un panel de 400 000 pratiquants pour seulement 30 000 licenciés. Il y a donc une véritable demande. Le truc c’est juste que les clubs de foot à 11 nous regardent encore avec de grands yeux comme si on était un danger pour eux prêt à leur voler tous leurs joueurs. Ils ne comprennent pas tous que c’est dans notre intérêt commun de laisser les deux disciplines compatibles marcher ensemble dans la formation des joueurs. Cela nous permettrait d’avoir des profils beaucoup plus complets que le grand costaud physique typique de la formation footballistique française.

Qu’est ce qui pourrait changer cela selon vous ?

Comme pour le foot féminin je pense qu’il faut que les grands clubs de Ligue 1 se penchent sur la question. On a bien vu quand l’Olympique Lyonnais a lancé son équipe féminine et en a fait une référence mondiale, le PSG s’est donné les moyens de faire de même, beaucoup de club en France ont monté leurs propres structures réservées aux femmes et aujourd’hui on se retrouve avec un nombre accru de licenciée chez les filles et une Coupe du Monde à venir à la maison en 2019. Si ces mêmes clubs font la même chose avec le futsal en créant une équipe, en engageant un coach portugais ou espagnol et en récupérant un ou deux joueurs brésilien au passage, je vous garantis que la discipline va exploser en France.

Mais le développement d’une discipline ne peut pas seulement compter sur une action du haut, elle doit venir du bas également.

C’est vrai. C’est pour cela que l’on cherche à pérenniser notre structure également. On a conscience parfois de jouer un peu des rôles de pionniers mais c’est aussi à nous de faire bouger les lignes pour voir ce sport ce développer. Quand on voit qu’à Lyon depuis quelques années il n’y a plus d’équipe en division 1 on se dit qu’il y a un problème. Ces lieux devraient être des bassins de développement plutôt que des déserts futsalistiques. C’est beaucoup de travail on le sait mais on a à cœur de développer ce projet. Devenir le premier club à jouer en Elite avec seulement 2000 habitants dans notre commune de référence, ce serait juste incroyable.

Recueillis par Sébastien Allec