Stéphane Bernard : « L’ironman, une passion avant tout »
19ème homme de l’ironman de Malaisie le 11 novembre dernier, l’Isérois Stéphane Bernard s’est qualifié pour les championnats du monde à Hawaï qui auront lieu en octobre 2018. Ce sera sa troisième participation. À 42 ans, ce directeur commercial a fait du triathlon longue distance sa passion. Interview d’un homme capable de commencer par 3,8km de nage, d’enchaîner avec 180km de vélo et de finir par un marathon.
Bonjour Stéphane, expliquez-nous d’abord comment vous en êtes arrivé à l’ironman ?
« Moi je suis un coureur à pied à l’origine. Il se trouve qu’à 21 ans j’ai eu des problèmes de dos qui m’ont empêché de courir. Les médecins m’ont donné l’autorisation au bout de 2 ans et demi de renager et de faire du vélo pour éviter les chocs. Je ne me suis pas entraîné en course à pied, j’ai fait des toutes petites distances de triathlon, qu’on appelle le sprint (750m de natation, 20km de vélo et 5km à pied) et mon dos ne répondait pas trop mal. J’avais eu les autorisations des kinés pour recourir. J’ai refait une réadaptation à la course à pied. Et puis je suis passé sur la distance olympique en triathlon parce que j’avais toujours apprécié les longs formats. Finalement, c’est en 2005 que j’ai disputé mon premier ironman à Embrun dans les Hautes-Alpes. Aujourd’hui, je ne suis qu’un amateur donc je n’en fais qu’un par an sinon je n’ai pas le temps de m’entraîner, c’est compliqué de réussir à tout combiner : professionnellement, familialement… »
Justement, comment vous réussissez à gérer vos déplacements, financièrement notamment, et comment vous choisissez vos courses ?
« Jusqu’à aujourd’hui, je fais beaucoup de courses en Europe parce que ça permet de voyager un petit peu sans que ce soit trop loin : Espagne, Allemagne notamment. Quand je vais plus loin, j’ai des sponsors qui m’aident par passion ou par amitié. Je suis un fan de chaleur paradoxalement. La Malaisie j’y étais allé en 2015 et j’avais adoré : par son parcours, sa diversité et les gens sur place qui sont d’une simplicité et d’une gentillesse inimaginable. Et puis c’est des conditions météorologiques très particulières qui me conviennent parfaitement. On a des températures qui vont jusqu’à 30° et un taux d’humidité qui frôle les 100% donc c’est une bonne préparation pour Hawaï et moi j’adore ça ! »
Un petit mot sur ta course en Malaisie, comment ça devait se passer pour assurer ta présence à Hawaï ?
« Les qualifications pour les championnats du monde, on appelle ça des slots. Et il y en a entre 40 et 50 places qui sont distribuées à chaque course et réparties entre les différentes catégories d’âge. Il fallait que je finisse dans les 6 premiers de ma catégorie pour me qualifier et je termine quatrième en ratant le podium pour pas grand-chose… Je loupe la deuxième place pour une crevaison : le premier de ma catégorie termine quatre minutes devant moi (ndlr : Stéphane a couru lui en 9h45). La 2e place se joue à 42’’ devant moi et la troisième à 35’’ et j’ai cette crevaison qui m’a fait perdre plus d’une minute ! »
Est-ce qu’il y a du stress avant une course avec un tel enjeu ?
« Il y a sûrement beaucoup d’athlètes qui ont la pression avant leur course parce qu’ils veulent à tout prix aller à Hawaï. Moi, c’était plus un souhait et puis j’ai déjà eu la chance d’y aller. C’est une course d’un jour où il peut se passer tellement de choses qu’on peut être premier à un moment et dixième, cinq kilomètres plus loin. Aujourd’hui, la moindre défaillance peut coûter cher, d’autant plus que le niveau mondial est extrêmement homogène. Personnellement, je n’avais pas forcément de pression parce que c’est une passion avant tout. Je me suis qualifié tant mieux, si ça n’avait pas été le cas, ça n’aurait pas été un drame ».
Malaisie en novembre, Hawaï en octobre prochain, il y a pire comme destinations…
« Ce sont vraiment des destinations formidables : de manière générale, l’enrichissement qu’on trouve à courir dans le monde est tellement magique que ça compte beaucoup que la qualification ! Après, je cours en Espagne et en Allemagne principalement, mais j’ai aussi eu la chance d’aller au Mexique ou à Taïwan et donc Malaisie et Hawaï, effectivement. J’essaie un peu de m’expatrier : les ambiances de course sont vraiment magiques à l’étranger ! »
On imagine facilement que l’investissement demandé est énorme. Votre famille, vos amis comprennent cette passion ?
« L’investissement qu’on met dans la préparation de ces ironman est extrêmement important. Après, ma compagne est une passionnée, mes amis savent que je le suis aussi. Je m’entraîne beaucoup mais je veux faire un maximum de choses avec ma famille quand même : je me contrains dans mon organisation journalière. Je me lève par contre à 6h du matin pour aller courir. C’est un travail quotidien voire bi-quotidien dans les périodes de charges. Sur l’année, j’ai une moyenne d’entraînement qui correspond à 12 heures par semaine voire 22, 23 pour les grosses semaines ».
Comment on fait pour se préparer à une telle course ? On imagine que ce ne sont pas des distances que vous parcourez régulièrement d’une traite ?
« Aujourd’hui c’est l’accumulation des entraînements qui fait qu’on peut se préparer au mieux à un ironman. Je n’ai par exemple fait qu’une seule fois 180km de vélo d’un coup au cours de ma préparation. Je n’ai jamais couru de marathon à l’entraînement, je suis monté à 30km maximum mais c’était exceptionnel. C’est la répétitivité des efforts qui nous permet de progresser. Après il y a forcément du travail très spécifique ».
Qu’est-ce qui fait la différence alors, le mental ?
« Pour moi, un ironman c’est 50% d’entraînement et 50% dans la tête. En fait, la gestion de la course est très importante : gérer son effort, l’alimentation, l’hydratation, c’est capital. C’est impossible de finir un ironman si on ne fait pas tout ça bien. On essaie tous de pousser nos corps dans certaines limites : à Hawaï, j’ai déjà roulé un peu plus fort que ce que je n’aurais du et je l’ai payé cash sur le marathon. J’ai même été obligé de marcher un petit moment parce que je n’en pouvais plus, simplement parce que j’ai présumé de mes forces. Il faut vraiment se mettre dans une bulle et se dire que quand on se fait doubler, on les rattrapera plus tard ».
Des objectifs pour cette course à Hawaï même si elle est encore dans longtemps ?
« Mon premier championnat du monde en 2013 a été le plus abouti. J’ai terminé 228e en 9h28’ ce qui était un résultat inespéré mais j’avais fait un très bon marathon. L’année dernière, c’est là où j’ai pris des risques justement : j’étais mieux préparé mais les conditions étaient plus compliquées. J’ai mis 45’ de plus que la première fois. C’est vrai que cette année, j’ai forcément pour ambition de faire mieux. Alors, en terme de chrono, c’est compliqué parce qu’on est toujours dépendant des conditions météorologiques : le parcours vélo est un aller-retour sur une autoroute très ventée et donc on peut perdre beaucoup de temps d’une année à l’autre. Après, j’aimerais bien faire mieux au classement. Je sens que je progresse mais Hawaï c’est tellement particulier qu’on veut faire mieux et qu’on peut faire beaucoup pire… »
Quel est votre programme des prochains mois du coup ?
« Ma course en Malaisie était le 11 novembre, donc maintenant je vais m’octroyer une bonne période de récupération : il faut que le corps mais la tête aussi se reposent. Je vais avoir un peu plus de 7 mois pour me préparer. Pendant l’hiver, ce sera natation, ski et course à pied. À partir du mois de mars, je remonte sur le vélo. J’ai aussi des courses de prévues : en Espagne, un half iron man à Barcelone, à triathlon à Cannes au mois d’avril et puis une compétition aussi au lac du Salagou (dans l’Hérault) avec mon club des mille-pattes qui est le club le plus vieux club de triathlon de France ! »
Un avis sur le Norseman, cet ironman extrême qui se déroule en Norvège, ça vous fait rêver ?
« C’est une course qui me fait rêver… oui et non. Parce que le Norseman ne correspond pas du tout à ce que j’aime en terme de condition : je le disais, j’adore la chaleur. Ça me fait rêver parce qu’en tant que passionné, c’est une course qui nous parle… mais moyennement… » (rires)
Un très grand merci à Stéphane Bernard pour sa disponibilité et sa sympathie. Bonne chance à lui pour sa préparation aux championnats du monde qu’on suivra avec attention !