Brice Maubleu (GF38) : « Heureux d’enfin réussir avec Grenoble »
Réputé discret, le portier grenoblois a tout connu avec son club formateur. Au GF38 depuis ses 14 ans, il fait partie des « historiques » qui ont connu la descente administrative du club isérois fin 2011. Le natif de Saint-Martin-d’Hères était d’ailleurs celui qui gardait les buts à Corte en août de la même année lorsque le GF38 repart en CFA2 et se pointe en Corse avec 12 joueurs, dont deux gardiens qui se retrouveront à jouer sur le pré. Brice Maubleu fait partie de ceux à qui la chance n’a pas toujours été donnée pour s’imposer dans l’élite. Il le dit lui-même : « Commencer par la Ligue 1 et se retrouver en CFA 2…tu m’aurais dit ça en début de carrière, je n’y aurais pas cru. » Mais ce « survivant » des années Ligue 1 espère aujourd’hui participer à la remontée du club au plus haut échelon du football français.
Dans cet entretien, le portier de 27 ans revient sur son parcours : la descente en CFA2, ses deux années à Tours, les années de galère en CFA jusqu’à cette saison 2016-2017 à l’issue de laquelle le GF38 semble enfin voir le bout du tunnel.
Pourquoi tu es devenu gardien de but Brice ?
Je n’ai pas vraiment voulu (rires). En débutant, J’ai commencé en tant que joueur de champ. On m’a ensuite fait comprendre sur des tournois avec les plus âgés que je pouvais être un bon gardien de but. Mais bon, quand vous êtes petit, vous voulez toujours vous défouler, donc jouer sur le terrain…Je ne voulais pas toujours être gardien, parfois tu t’ennuies dans tes cages…À partir des catégories 12-13 ans, j’ai tout le temps joué dans les buts.
Justement, cette année Grenoble a souvent dominé…C’est quoi le plus dur pour toi pendant un match de foot, rester concentré ?
Le fait de ne pas être sollicité dans un match, c’est peut-être le plus compliqué oui. Garder cette concentration pendant 90 minutes pour faire quoi ? Deux arrêts. Mais deux arrêts essentiels.
Comme à Chasselay, ce match est un peu à l’image de la saison du GF38, une grosse domination…
Oui, sauf qu’il y avait moins la pression du résultat. C’est beaucoup plus facile de jouer dans ces conditions. Presque toute l’année, beaucoup d’équipes qui venaient à la maison se disaient qu’elles n’avaient rien à perdre. C’est toujours plus dur de jouer comme étant favoris. Mais bon, la saison s’est bien passée. Pour une fois, c’était à notre tour (de jouer sans pression) à Chasselay parce qu’on était sûr de monter.
En effet, on te voyait beaucoup sourire pendant ce match, détendu…Et tu as eu trois arrêts à faire, tu sors un penalty et gagne un face-à-face.
Comme je l’ai dit, c’est plus facile de jouer sans pression. Sur le face-à-face, j’ai le petit réflexe de légèrement toucher la balle pour que ce soit l’attaquant qui la sorte.
Contre Chasselay, tu as bouclé ton 17ème match sans encaisser de buts. Comment tu juges ta saison ?
17 clean sheets cette saison, l’année dernière j’en avais fait une dizaine. Cette année, j’ai juste été moins performant sur deux matches…Mais je pense avoir quand même bien contribué à la montée en ramenant quelques points. Il y a des matches où le score est longtemps resté bloqué à 0-0, je pense à Montceau notamment en février. Dans ce genre de match, c’est la première équipe qui marque parce que tu ne peux pas proposer de jeu à cause de l’état du terrain. À Annecy au mois de décembre, le terrain était partiellement gelé, ce n’était pas facile…Je pense avoir fait une très bonne saison, même si je sais qu’on peut toujours faire mieux.
« Quand j’étais à Tours, Jean-Luc Ettori est venu me voir et m’a dit : 50% d’une équipe de foot, c’est le gardien de but »
Tu nous disais récemment qu’Olivier Guégan considérait le gardien comme le premier relanceur, le fait d’être le dernier rempart rend stressant le fait d’avoir le ballon dans les pieds ?
Non, parce que si le coach veut que vous soyez le premier relanceur, c’est qu’il ne vous prend pas pour un pied carré. Prendre des risques dans la relance, c’est plus facile quand un entraîneur vous fait confiance.
Il t’a tout de suite confirmé comme gardien titulaire puisque tu as disputé les 28 matches de championnat.
Oui, même après Villefranche, quand on perd 2-1 et que je place mal mon mur…Il m’a tout de suite dit que ce n’était rien, qu’il fallait faire gagner d’autres points à l’équipe sur d’autres matches. Si un coach est exigeant avec toi, c’est qu’il pense vraiment que tu peux le faire. Sur la première partie de saison, Olivier (Guégan) savait que l’on pouvait faire mieux. C’est cet esprit qui a animé le groupe, il a réussi à concerner tout le monde. Il nous faisait comprendre que les remplaçants, les titulaires aussi pouvaient faire gagner des matches en poussant l’équipe dans la concurrence.
Pour ma part, cette confiance, je l’ai ressentie. J’ai essayé de lui rendre. La concurrence au poste de gardien est parfois compliquée à gérer. Donc quand tu as la confiance du coach, il faut tout faire pour la garder. Quand j’étais à Tours, Jean-Luc Ettori est venu me voir et m’a dit : 50% d’une équipe de foot, c’est le gardien de but. C’est un poste clé. Donc à grosses responsabilités.
C’est cette confiance qui a manqué lorsque tu es parti à Tours ?
La première année quand j’arrive, il y avait Benjamin Leroy (à Dijon maintenant). C’était très compliqué de le faire sortir des titulaires parce qu’il faisait de très bonnes performances. Et puis, je me suis pas mal blessé à l’épaule et au dos la première année.
La deuxième saison, je fais une bonne préparation et Benjamin Leroy était sur le départ. Mais au final, il ne part pas et je me suis retrouvé à rester doublure. En plus, il y avait un espoir parce que Olivier Pantaloni venait d’arriver. J’avais fait une bonne préparation donc il avait un peu de doute. Mais au final, l’expérience a joué en ma défaveur. On a joué la montée les ¾ de la saison avec Tours. À la fin de la saison, Benjamin Leroy se blesse. Je joue donc la fin de saison, notamment les matches où on va gagner à Caen et faire match nul contre Metz. Même si j’ai le regret de ne pas avoir été titulaire d’entrée. Ces deux ans, c’était quand même une expérience sympa.
Pourquoi être parti de Grenoble ?
Quand tu passes de la Ligue 2 à la CFA2, tu es forcément déçu…Je venais de connaître la Ligue 1, la Ligue 2. je voulais rester dans le milieu professionnel. Tu as envie de continuer à jouer avec ou contre des joueurs comme Batlles, Ljuboja…À la fin de la saison où Grenoble est relégué en CFA2, j’ai eu l’opportunité de retourner dans un club pro à Tours, je n’ai pas hésité. Pour moi, c’était un bon choix. Pour moi, c’était reparti !
Tu te jugeais prêt à t’installer à cette époque en Ligue 1 ou Ligue 2 ?
L’année où le club descend, je devais jouer le Tournoi de Toulon avec l’équipe de France des moins de 20. Finalement, je me blesse et je le loupe. La suite, on l’envisage forcément comme titulaire en Ligue 2. Mais finalement, je me retrouve à être la doublure de Jody Viviani. Quand tu as 21/22 ans et que tu goûtes à la Ligue 1…t’as forcément envie d’y retourner le plus vite possible. Je me suis dit « peut-être que je pourrai jouer un peu en Ligue 2 ». Quand j’ai choisi de partir à Tours, c’était deux ans après avoir joué en Ligue 1 avec Grenoble. C’était vraiment l’objectif de remonter, c’est pour ça que je voulais tenter Tours. Bon…J’espère que ce sera partie remise et pour plus tard. En tout cas, à ce moment-là, L’objectif, c’était d’aller en ligue 1 le plus vite possible.
À l’issue de ces deux saisons à Tours, pourquoi être revenu à Grenoble ?
À Tours, je finis les cinq derniers matches de la saison. J’ai alors des contacts en Angleterre un peu partout. Principalement en D2 anglaise, des scouts m’avaient contacté. Le président de Tours qui est un peu sanguin voulait tout changer. La situation était un peu bizarre parce que Olivier Pantaloni et les coaches voulaient me garder. Il m’a dit plus tard qu’il n’avait pas compris pourquoi j’étais parti. En réalité, ça s’est fait en concertation avec mon agent. À la fin de la saison, Olivier Saragaglia me rappelle, je n’avais alors pas de proposition concrète d’un club. Olivier m’avait dit que le projet était de retrouver le monde pro, qu’on allait jouer la montée. En plus, je voulais signer rapidement dans un club parce que je devais organiser mon mariage. Je devais donc clarifier la situation le plus vite possible. C’est comme ça que ça s’est fait.
Cette fois, Olivier Saragaglia te rappelle pour être titulaire.
Olivier me fait venir pour jouer, donc le gardien Paul Cattier a fait ma doublure toute la saison. C’était compliqué pour lui qui avait connu la Ligue 2, le National…Puis fait de bonnes performances pour rejouer. Mais il a joué le jeu jusqu’au bout alors que sa situation ne devait pas être facile à vivre. Je peux en parler, je sais ce que c’est.
« Je ne suis pas comme les gardiens qui font un peu de zèle, je ne suis pas forcément très démonstratif »
Depuis, tu arrives à faire une saison à 15 buts encaissés en 28 matches, aucune boulette même en étant gardien d’une équipe qui dominait énormément cette année. Tu nous disais avoir amélioré ton jeu au pied…Brice Maubleu est arrivé à maturité ?
Je pense en effet être plus fort qu’avant. Le fait que je sois meilleur s’explique aussi par le nombre de matches enchaînés. À Tours en deux ans, j’ai joué une trentaine de matches…Ces trois dernières saisons avec Grenoble, j’en ai 90 dans les jambes. Le rythme est vraiment déterminant pour un gardien. Après, je ne sais pas si beaucoup de gardiens auraient réalisé la saison que je viens de réaliser en CFA avec une équipe aussi dominatrice que Grenoble. Mais on peut toujours progresser. On parle d’une bonne saison oui, mais en CFA.
Tu nous déclarais avant le match contre Le Puy avoir progressé sur ta relance au pied et que Arnaud Genty réalisait de nombreuses autres statistiques, on peut les connaître ?
Arnaud fait un très bon boulot, il nous a sorti pas mal de statistiques. Il a notamment fait une feuille sur les endroits où je me prends des buts. Le résultat montre qu’il fallait vraiment s’employer pour marquer un but à Grenoble cette année. L’année dernière, je me prenais beaucoup de buts qui n’était pas des « pleines lucarnes ».
Quelle est ta relation avec tes défenseurs ? Tu parles peu, pourtant, cela n’a pas altéré la bonne efficacité de ton entente avec ta défense.
J’essaie de communiquer le mieux possible avec mes défenseurs pour qu’ils soient meilleurs. Signaler quand il y a un joueur dans le dos, tout ce qu’ils ne peuvent pas voir pour qu’ils aient un temps d’avance. Le fait d’avoir autant de clean sheets s’explique aussi par le fait qu’il y a eu une bonne communication cette année. Après, je ne suis pas comme les gardiens qui font un peu de zèle, je ne suis pas forcément très démonstratif. J’assume mes responsabilités, tu vas voir certains gardiens prendre un but et gueuler sur certains défenseurs. Ce n’est pas mon cas.
Tu t’es dit à un moment de la saison : « non ça recommence, on ne va encore pas monter » …
Depuis que je suis revenu à Grenoble, j’essaie de faire le maximum pour l’équipe. Évidemment, je ne m’attendais pas à passer autant de temps en CFA. Les années précédentes, on avait toujours un trou d’air en mars qui nous empêchait de monter. Cette année, il est arrivé vers novembre. Mais cette saison, à la vue de l’équipe qu’on avait avec Olivier (Guégan) et les performances qu’on réalisait, franchement, on croyait vraiment à la montée et on n’a pas douté, même après Andrézieux. La preuve, on gagne de nombreux matches dans les arrêts de jeu cette saison comme contre Lyon ou Saint-Louis Neweg.
Comment tu vois la suite avec Grenoble ? Tu dis être venu pour le projet.
J’aimerais bien retrouver la Ligue 1, ce serait vraiment un rêve, on en n’est pas encore là. Déjà, il faudra réaliser une bonne saison en National, si c’est possible. Pour ma part oui, je suis venu pour le projet de retrouver l’élite. On verra le discours (en début de saison prochaine), mais l’objectif n’est pas de s’éterniser en National. En tout cas, c’est mon ambition personnelle et après je ne connais pas le niveau National.
Il a souvent été souligné les qualités humaines de ce groupe qu’Olivier Guégan et Maxime Spano ont qualifié « d’extraordinaire ». Beaucoup ont aussi dit qu’ils aimeraient retrouver la Ligue 1 avec Grenoble. Tu penses que ce groupe peut réaliser plusieurs montées successives. Que les liens sont assez forts pour conserver la majorité des cadres ?
Déjà, Je pense que le fait qu’il y ait une bonne ambiance, ça permet aux joueurs de rester à Grenoble. Si tu ne t’entends pas avec tes collègues de travail et que tu as l’opportunité d’aller jouer dans une autre équipe, tu partiras. Si tu t’entends bien et qu’une opportunité se présente, dans ta tête, tu te dis que si tu pars, tu laisses derrière toi des gens que t’apprécies. Après ça dépendra de nos résultats. Si les résultats sont bons, l’ambiance ne fera que s’améliorer encore plus, c’est aussi liée aux résultats. Et inversement, si on a d’aussi bons résultats, c’est grâce à la bonne ambiance dans le groupe.
Après, quand tu as des appels de clubs de niveau supérieur, c’est très dur de refuser, une carrière de footballeur, c’est très court. Quand Tours m’a appelé, ma décision a été dictée par l’envie de retrouver le haut niveau. On verra le 26 juin qui est là et qui n’est pas là. Mais j’espère vraiment que les dirigeants vont garder la majorité du groupe. C’est vraiment un plus d’avoir un groupe ambitieux comme celui qu’on a eu cette saison.
« Commencer par la Ligue 1 et se retrouver en CFA 2…tu m’aurais dit ça en début de carrière, je n’y aurai pas cru »
Donc toujours grenoblois la saison prochaine ?
Sauf si le Real Madrid m’appelle (rires), oui, je serai toujours grenoblois.
Tu as été surpris par les supporters cette année ?
Les supporters ? Ils ont vraiment assuré. Même si c’est la cinquième année en CFA, le noyau dur des Red kaos est toujours là. Être fidèle à son club, c’est beau.
Environ 10 000 personnes pour Le Puy…
La dernière fois qu’il y a eu une aussi grosse affluence, c’était contre Marseille. Et puis, c’est génial qu’ils n’aient jamais lâché. C’est quand même beaucoup plus motivant d’avoir des tribunes remplies qu’un stade quasi-vide…C’est une source supplémentaire de motivation pour gagner. Gagner pour faire plaisir à un public.
Tu es un joueur qui a tout connu avec le GF38. La Ligue 1, la Ligue 2, la CFA2, la CFA et maintenant le National !
Avec Tours, j‘ai aussi connu la DH (rires). Et le National, c’est le seul championnat que je n’ai pas connu. Commencer par la Ligue 1 et se retrouver en CFA2…tu m’aurais dit ça en début de carrière, je n’y aurai pas cru. Si y’a moyen de retrouver la Ligue 1 avec Grenoble, ce serait vraiment un rêve.