Damien Chambon (NC Alp 38) : « Essayer de faire ce que personne n’a réussi à faire »
La seconde édition de l’Open des Alpes aura lieu ce week-end. L’occasion d’un focus sur le NC Alp’38 avec son directeur sportif Damien Chambon. Qui ambitionne clairement d’inscrire, à terme, le club parmi les plus performants en France.
Qu’est-ce qui vous a amené à la natation ?
Par hasard. Je pratiquais beaucoup de sports différents. Je suis d’origine ardéchoise, du village de Privas où je faisais un peu de natation. Mais je n’étais pas un grand nageur. C’est en arrivant à Grenoble, pour les études, que j’ai commencé à beaucoup nager. J’avais 18 ans alors je pouvais oublier le niveau international ! Mais après Grenoble, je suis arrivé à Paris pour mon service militaire. Je m’entraînais avec le Racing (Lagardère Paris Racing). Puis Stéphane Bardoux (notamment entraîneur de Stephan Caron) m’a proposé d’être son assistant. J’avais 26 ans. Par la suite j’ai entraîné à Lyon. Puis je suis parti aux Etats-Unis 3 ans.
Un passage aux Etats-Unis qui vous a marqué
Oui. Je suis arrivé dans un club près de Seattle, le King Aquatic Club. Un très bon club qui fait partie du top 5 aux Etats-Unis. Des nageuses comme Ariana Kukors (médaille d’argent au championnat du monde en 2009 sur 4×200 nage libre) ou Margareth Hoelzer (triple médailles olympique à Pékin) s’y entraînaient. En 3 ans, on a eu trois records du monde dans le groupe des nageurs. Les Etats-Unis sont simplement la meilleure nation au monde pour la natation grâce à un modèle.
Un modèle que vous tentez de rapporter en France ?
Oui, Le système américain est différent, le sport n’est pas placé de la même façon dans la société. Les universités investissent massivement dans le sport. Elles s’en servent même comme outil de promotion. Les élèves n’ont pas besoin d’avoir un statut de « sportif de haut niveau » pour avoir un emploi du temps permettant d’allier sport et études. Ensuite, dans la manière d’entraîner, les américains le font en groupe. Ce qui n’est pas forcément un réflexe en France. S’entraîner en groupe, ça permet de créer une dynamique dans laquelle les plus performants tirent les moins performants vers le haut. Ça permet aussi de ne pas être seul. Parce que la natation, c’est un sport parfois ingrat à haut niveau. Dans la piscine, vous êtes tout seul quand vous faites vos longueurs. Enfin, les américains ont un état d’esprit fondé sur le positif. En France, on râle beaucoup. C’est évidemment caricatural de dire ça mais c’est ce que j’ai ressenti. Pensez positivement, ça permet de mieux travailler ensemble et donc d’aller plus haut.
Un modèle qui est la marque de fabrique du NC Alp’38 ?
Tout n’est pas formidable dans le système américain. En France, on a un savoir-faire technique et les américains le mental. J’ai essayé de rapporter les idées que je trouvais intéressantes comme allier sport et études avec des méthodes d’entraînement différentes. Au club, quelqu’un qui veut faire de la compétition le peut, sans que ça empiète sur son emploi du temps. C’est notre marque de fabrique. Le groupe de Guy (Guy La Rocca, entraîneur de Jordan Pothain) est composé de 12 nageurs. En France, sauf peut-être pour Philippe Lucas, c’est très rare d’avoir autant de compétiteurs pour un entraîneur. Mais cette notion de groupe à l’américaine n’est pas propre à notre Club. Le Cercle des nageurs de Marseille avec Romain Barnier, employait aussi cette technique. Après Marseille est une structure bien plus grosse que la nôtre.
« Si des nageurs moins performants peuvent faire une compétition avec des champions comme Camille Lacourt, c’est génial »
Le club n’a que six ans. Il entame sa 7ème année. Comment s’est passé la création ?
Le NC ALP’38 est né de la fusion du GUC Natation et du Nautique club d’Echirolles. L’idée, c’était de s’unir pour être plus fort et espérer accueillir des nageurs de haut niveau. On a aujourd’hui 2300 licenciés, 20 salariés dont 10 à temps plein. Une fusion, ce n’est jamais facile. Par exemple, des entraîneurs qui étaient rivaux avant doivent travailler ensemble. Pareil pour les nageurs. Il faut que tout le monde se coordonne. Mais année après année, l’ambiance s’améliore et on commence à arriver à un résultat très intéressant.
Pourquoi revenir des Etats-Unis et créer un club ?
Déjà, c’est un choix pour ma femme et mes enfants. Ensuite, contribuer à créer un type de club qui n’existe pas dans la région. Contribuer à essayer de faire ce que personne n’a réussi à faire, amener des médailles au niveau national à un club grenoblois. C’est une chance à Grenoble. On passe des accords avec l’Université qui a une politique d’accompagnement d’athlètes de haut niveau. Ce qui nous permet de réaliser ce projet. En plus, le campus grenoblois ressemble déjà un peu à un campus américain. Tout est concentré sur place, ce qui facilite les déplacements.
Organiser un tournoi comme celui de l’Open des Alpes, quelle importance pour le club ?
On créer un évènement pour faire parler du club. Mais aussi pour faire parler de la natation en proposant un spectacle à la manière des jeux ou des championnats du monde. La volonté, c’est aussi de mélanger des nageurs à des champions. Ce que ne fait plus le système fédéral. Alors si des nageurs moins performants peuvent faire une compétition avec des champions comme Camille Lacourt, c’est génial.
C’est aussi enrichissant de travailler avec autant de partenaires comme l’UGA, la ville de Grenoble, Arena. Il y a une vraie équipe autour de l’Open. Ça fait collaborer beaucoup de monde. Puis, on est un club qui demande beaucoup de subventions également. 800 000 euros pour une structure comme la nôtre, ce n’est pas énorme.
« Si Jordan est encore là, c’est parce qu’il a décidé de rester ici »
C’est un accélérateur pour plein de choses ?
Oui. Notamment pour les inscriptions. Pas en quantité, mais des nageurs de niveau national commencent à arriver de Chambéry, Valence. Rien que cette année, 5 nageurs de niveau national ont rejoint le club. Mais la politique reste la même : on ne veut pas recruter de mercenaires. On veut que les gens nous rejoignent pour de bonnes raisons. On commence à devenir attractif.
Notamment grâce aux résultats de Jordan Pothain ?
Il y a un effet boule de neige, c’est sûr.
Il a été sacré double champion de France sur 200 et 400 à Angers la semaine dernière. Philippe Lucas dit que dans 4 ans, si tout va bien, il sera champion olympique sur 400 mètres.
Oui, après 8ème aux Jeux Olympiques ce n’est rien…Mais il va ramener des médailles, aucun doute. Je pense que c’est un nageur qui va faire de belles et grandes choses, il est aux portes des podiums et il va continuer à progresser. Il amène indéniablement une dynamique au club et pour d’autres jeunes nageurs très prometteurs.
Peur de perdre Jordan ?
Jordan, c’est quelqu’un qui dit les choses : quand ça ne lui plaît pas, il le dit, c’est quelqu’un d’honnête. L’histoire du relais aux Jeux l’a montrée. La petite confusion à propos de la 2ème place de Yannick Agnel aux championnats de France l’année dernière le prouve aussi. Donc non, je n’ai pas peur. Si Jordan est encore là, c’est parce qu’il a décidé de rester ici. Après les Jeux, il a été sollicité par d’autres structures. Qui lui proposait sans doute beaucoup d’avantages financiers. On a eu une discussion tous ensemble. Il a un entraîneur qui lui plaît, ce que l’on fait ici lui convient. C’est qu’il a jugé que l’on pouvait continuer à le faire progresser. Je n’espère ne jamais le perdre. Mais je ne suis pas propriétaire des nageurs…En tout cas, c’est un ambassadeur extraordinaire. Je suis persuadé qu’au bout de ces quatre ans, il y aura une médaille olympique à la clé.
Jusqu’où peut aller ce club ?
Le plus haut possible ! On peut le faire ici, quand on y croit, c’est possible. D’avoir un nageur grenoblois qui va là où personne n’est allé. Quand je suis arrivé, j’étais là un peu avec mes grands sabots. Vouloir changer les mentalités tout de suite. En plus, il a fallu que je m’adapte à ma nouvelle fonction. J’étais plus un entraîneur et pas un manager. Mais ça avance, on construit petit-à-petit quelque chose de vraiment bien tous ensemble au club.