Eddy Finé (ex-Cofidis) : « Je ne suis pas fâché avec le cyclisme ! »
Pour sa première interview depuis l’arrêt de sa carrière, Eddy Finé a accepté de se confier au micro de Métro-Sports. Entre nostalgie et fierté, le natif d’Herbeys est revenu sur les moments marquants de son aventure professionnelle tout en évoquant son avenir. Un entretien sans-filtre aussi passionnant qu’inspirant.
Crédit photo : Cofidis / Mathilde L’Azou)
Avec un père ayant un passé de cycliste et un grand frère qui a baigné dans ce milieu également, peut-on dire que ta voie était déjà toute tracée ?
« Oui c’était une évidence pour moi. J’ai commencé le vélo l’année de mes 6 ans en imitant mon frère qui avait lui-même pris exemple sur notre père. J’ai donc suivi à mon tour cette passion familiale d’autant qu’avec Gabin (son grand frère, ndlr) nous n’avons que 13 mois d’écarts ce qui nous permettait d’évoluer ensemble une année sur deux ».
Ce côté familial va prendre une place importante dans ta jeune carrière puisqu’on ton père va même devenir ton entraîneur. Quels souvenirs gardes-tu de ces moments-là ?
« On partageait la même vision du vélo avec mon père ce qui a facilité nos années de collaboration. Il a pu m’entraîner jusqu’à mon arrivée chez les professionnels et encore aujourd’hui c’est une grande fierté pour moi d’avoir pu connaître cela. On traverse une époque où la technologie, les statistiques et la science sont omniprésentes dans le milieu du cyclisme donc avoir pu atteindre le monde professionnel tout en travaillant dans mon petit cocon familial c’est quelque chose de magique ».
Une des particularités de ton profil réside dans le fait que tu as brillé en cyclo-cross avant de te faire connaître sur la route : champion de France juniors en 2015, médaillé d’argent chez les espoirs en 2019, deuxième d’une manche de coupe du monde à Berne en 2018 … Qu’est-ce que le cyclo-cross t’as apporté dans la suite de ta carrière ?
« Je pense que l’apport technique et l’agilité que cela permet sur le vélo est un des gros points positifs du cyclo-cross. C’est aussi un sport que j’ai pu pratiquer l’hiver pour compléter mes saisons sur route tout en améliorant mon explosivité qui était l’une de mes grandes forces. C’est donc quelque chose qui est complémentaire et bénéfique quand tu es professionnel »
Parmi ton palmarès, il y a une victoire marquante c’est cette troisième étape du Tour de Savoie Mont-Blanc en 2019. Est-ce que l’on peut dire que ce succès a donné une autre tournure à ta carrière ?
« J’avais gagné la troisième manche de la Coupe de France DN1 dans le Doubs quelques semaines auparavant donc j’étais déjà en discussion avec plusieurs équipes pour être stagiaire. Forcément, ce succès en professionnel est venu confirmer l’intérêt porté par Cofidis à mon égard. D’un point de vue personnel, c’est toujours gratifiant de pouvoir lever les bras sur une course de cette ampleur quand on connaît sa difficulté. J’avais la chance que cette édition ne soit pas réservée exclusivement aux grimpeurs, c’est d’ailleurs ce qui m’avait permis de finir cinquième sur la première étape et de remporter la troisième. Aujourd’hui encore, je la considère d’ailleurs comme ma plus belle victoire sur la route ! »
En août 2019, tu deviens stagiaire auprès de la formation Cofidis. Est-ce que tu as ressenti une pression particulière à ce moment-là en sachant qu’il y avait un contrat professionnel à la clé ?
« Très honnêtement, je ne pensais pas à la pression du contrat. J’ai eu la chance d’être épaulé par Jacques Decrion qui était l’entraîneur de Nacer Bouhanni, Julien Simon ou encore Thibault Pinot lorsqu’il entrainait au sein de la formation FDJ. Il a su m’aiguiller sur le monde professionnel et ses attendus afin que je puisse être performant dans ma nouvelle formation au plus vite. Après avoir enchainé la Polynormande et le Tour du Limousin, Cofidis m’a proposé un contrat rapidement. L’acclimatation au monde professionnel s’est faite naturellement avec les valeurs qui sont les miennes. Je savais qu’on m’attendait dans un rôle d’équipier en faisant passer mes objectifs personnels après ceux de l’équipe. Cela a été ma ligne directrice dans la découverte d’un univers qui n’a rien avoir avec le monde amateur. De la façon de courir en passant par la présence des caméras ou encore le public, il a fallu que j’apprenne tout en performant »
Performer, c’est quelque chose que tu vas réussir à faire durant tes six années sous le maillot de la formation Cofidis. Parmi les différents moments de ton passage au sein de la formation nordiste, j’en ai sélectionné trois qui m’ont particulièrement interpellé et sur lesquels j’aimerais revenir avec toi :
– Ton premier grand tour, la Vuelta, en 2021
« J’avais déjà fait une course d’une semaine au Gabon mais il y avait forcément cette appréhension quant à la réaction de mon corps sur trois semaines de compétition. J’avais l’impression de me lancer dans l’inconnu en parcourant les 3000 kilomètres qui m’attendaient pour une de mes premières expériences en World Tour. Finalement, j’en garde un super souvenir avec des sensations qui étaient presque meilleures en troisième semaine. C’est fou de voir jusqu’où le corps peut aller au niveau de la performance et surtout de la récupération puisque j’avais réalisé une belle fin de saison après la Vuelta. »
– Tes deux participations à Paris-Roubaix en 2021 et 2022
« J’avais couru mon premier Paris-Roubaix dans des conditions dantesques avec une pluie présente sur l’intégralité du parcours. Ä l’aise sur les pavés mouillés, je n’avais pas été gêné plus que ça même si la distance et la difficulté de l’effort fourni font de cette course l’une des plus difficiles. Ce n’est d’ailleurs pas anodin si l’on parle « d’enfer du Nord » ! »
– La montée de la Bastille lors du Critérium du Dauphiné en 2023
« Forcément quand l’on vient de Grenoble, on sait que l’on a peu de courses professionnelles qui passent proche de son domicile si ce n’est le Critérium du Dauphiné et le Tour de France de temps en temps. C’est toujours agréable de courir devant ses proches surtout lors d’une arrivée aussi mythique que celle de la Bastille. Je suis chauvin, j’aime ma ville donc forcément c’est un moment marquant de ma carrière. Le public qui scande mon nom, les inscriptions sur la route pour m’encourager, la ferveur de cette montée c’est quelque chose que je n’oublierai pas ! »
Depuis plusieurs saisons, cette endofibrose de l’artère iliaque ne te permet pas d’évoluer en pleine possession de tes capacités. Comment tu as vécu cette frustration et ces années rythmées par différentes opérations ?
« Je me suis fait opérer lors de ma première année en professionnel (en 2020, ndlr) et j’ai ensuite été contraint de m’arrêter un hiver sur deux à cause de ce problème. C’est un problème vasculaire sur lequel je ne pouvais pas agir plus que ce que j’ai pu faire ces dernières années. J’ai eu quatre opérations en cinq ans et un suivi médical strict donc je n’ai pas de regrets en ce qui concerne l’aspect médical. J’ai tout essayé »
Cette blessure a fini par te contraindre à mettre prématurément un terme à ta carrière en juin dernier. J’imagine que c’est une décision qui a été compliquée à prendre ?
« En effet, ce n’est jamais une décision facile de mettre fin à un métier qui est également une passion. Pourtant, j’avais dit à l’équipe que je préférais arrêter à l’issue d’une dernière opération qui avait peu de chance d’aboutir. Ils étaient du même avis et on a donc pris cette décision d’un commun accord. J’étais conscient que c’était impossible de courir à ce niveau-là avec un si gros handicap dans la jambe gauche. Et le compétiteur que je suis ne prenais plus autant de plaisir d’ailleurs. »
Pour autant, ce sport n’est pas définitivement derrière toi. Avec une compagne (Evita Muzic, FDJ-Suez) faisant partie du peloton professionnel, tu dois encore « vivre cyclisme » ?
« (Rires) C’est clair que je ne suis pas fâché avec mon sport ! Je n’ai pas de rancunes et je n’en veux à personne. Je reste avant tout un passionné et un suiveur attentif notamment du cyclisme féminin avec Evita (Muzic). J’ai également gardé le contact avec mes anciens coéquipiers donc forcément que le cyclisme occupe encore une place toute particulière dans mon cœur. Pour autant, je ne me vois pas reprendre la compétition pour l’instant. Je sais que cette gêne ne va pas me permettre d’évoluer à 100% de mes capacités et même au niveau amateur c’est quelque chose de frustrant. Après peut-être que je tiendrai un autre discours dans le futur, on ne sait jamais de quoi est fait demain ! »
Après l’arrêt de ta carrière, la question de ton avenir professionnel et d’une éventuelle reconversion se pose. Est-ce-que tu as déjà pensé à cela ?
« Très honnêtement, j’ai profité des mois qui ont suivi la fin de ma carrière pour prendre du temps pour moi. J’ai pu faire des activités qui m’étaient interdites et passer du temps avec mes proches sans penser à mon avenir. Et puis la question de la reconversion est progressivement apparue mais cela s’est fait naturellement. J’ai trouvé un projet qui m’enthousiasme en passant le Diplôme d’Etat de la Jeunesse, de l’Éducation Populaire et du Sport (DE JEPS Celui-ci va me permettre d’évoluer dans l’encadrement auprès des jeunes et des cyclistes du monde amateur. Cela pourra se faire en parallèle d’un éventuel rôle dans les cyclosportives ou le cyclotourisme. Il n’y a encore rien de bien précis pour le moment mais j’ai déjà une idée du domaine qui me plaît ».
Je te sais encore attaché à la formation Cofidis qui est en difficulté cette saison au point d’être menacée de relégation à l’issue de celle-ci. Quel regard portes-tu sur cela ?
« L’année dernière on a déjà vécu une saison compliquée. J’ai moins couru durant celle-ci à cause de ma blessure et c’était difficile alors pour moi de ne pas aider l’équipe. En arrêtant ma carrière en milieu de saison, j’ai eu un peu l’impression d’abandonner le navire mais je n’avais pas d’autres choix. Forcément, c’est une situation qui m’attriste et je souhaite tout le meilleur à Cofidis. Pour autant, même si l’équipe était reléguée à l’issue de la saison ce n’est pas une fin en soi. On a vu par le passé que certaines équipes avaient pu repartir avec un autre projet et retrouver le World Tour rapidement. C’est peut-être un mal pour un bien même si cela fait toujours un petit pincement au cœur de voir la seule équipe que tu as connue en professionnel dans cette situation ».
Tu n’as connu que Cofidis dans le monde professionnel même si tu as eu des touches pour évoluer dans une autre écurie avec une un rôle différent. Peux-tu me parler des raisons de ton choix à ce moment-là ?
« En effet, j’ai mis du temps à prolonger mon contrat avec Cofidis en 2022 car j’avais des touches dans d’autres écuries. Je m’étais notamment pré-engagé avec Roubaix Lille Métropole (Van Rysel–Roubaix depuis 2024, ndlr). L’aspect financier et sportif étant plus intéressant avec une équipe du World Tour, je n’ai pas hésité à prolonger avec Cofidis quand la proposition est arrivée. Mais ce que je disais précédemment pour les équipes s’applique aussi aux coureurs. Ce n’est pas une fin en soi de redescendre en Continental, d’autres l’ont fait par le passé et cela s’est montré bénéfique. »
Eddy Finé : du tac au tac
Le plus beau souvenir de ta carrière : mon titre de champion de France en cyclo-cross
Ton meilleur ami dans le peloton : Sandy Dujardin (TotalEnergies)
Le coureur qui t’a donné envie de devenir cycliste : Andy Schleck
Ta course préférée : le Critérium du Dauphiné
Cyclo-cross ou route : cyclo-cross
La course que tu aurais adoré faire : le Tour de France
Ce que tu entends sur le cyclisme et qui t’énerves le plus : tout ce qui est lié au dopage
L’ascension la plus mythique : l’Alpe d’Huez
Le coureur du peloton qui t’a le plus impressionné : Magnus Cort Nielsen (Uno-X Mobility)