Farès Hachi : « L’Afrique du Sud, un choix de vie »
Première partie de notre interview avec Farès Hachi. L’ancien joueur du Grenoble Foot 38 a rejoint, en février dernier, le club sud-africain des Mamelodi Sundowns, champion en titre dans son pays et vainqueur de la Ligue des Champions africaine. Une expérience sportive, une expérience de vie, que le Martinérois nous a contée avec son franc-parler habituel.
Farès ne change pas ses bonnes habitudes. A Grenoble, on l’a connu très travailleur. A Sundowns, si les entraînements ont lieu le matin, les joueurs ont la possibilité de faire du rab et c’est après une séance supplémentaire de fin d’après-midi que nous avons joint le joueur.
« Je suis suspendu en ce moment donc j’en profite pour un peu plus travailler », nous a-t-il expliqué, nous offrant par la même occasion une bonne entrée en matière pour l’interview.
Justement, on a lu dans la presse locale (et oui, on lit même la presse sud-africaine à Métro-Sports) que ton entraîneur remettait en question ton carton rouge contre BidVest Wits, peux-tu nous en dire davantage sur cette exclusion ?
C’était l’avant-dernier match qu’on a disputé. Je rentre en jeu comme milieu de terrain. Il se trouve que cet arbitre là nous avait déjà arbitré et cela ne s’était pas spécialement bien passé avec moi. J’ai l’impression qu’il me l’a fait payer. Je prends deux jaunes, pas mérités. Ça me fait un peu chier (sic). J’avais fait une bonne rentrée, j’étais bien physiquement et ça me fait manquer deux matchs.
Vous perdez en plus ce match 1-0, peut-être le tournant de la saison…
Oui, Wits est notre principal rival. Ils étaient un point derrière nous avant ce match. En nous battant ils sont passés devant et ont même trois points d’avance alors qu’il reste quatre journées à disputer. Mais ils ont encore des gros matchs à faire. Ils vont chez le 4ème là puis ils joueront contre des équipes qui se battent pour se maintenir. On continue à y croire, à nous de faire le travail pour leur mettre le maximum de pression.
Revenons quelques mois en arrière avec ton départ de l’ES Sétif où on ne peut pas dire que cela se soit bien terminé…
Tu me connais, j’essaye de tirer le positif de chaque expérience. Donc je ne regrette vraiment pas mon passage à Sétif. Maintenant c’est vrai qu’avec le coach c’était devenu compliqué. Quelque chose s’était cassé donc j’ai préféré partir même si je reste sur ma faim. Il y avait une belle équipe et de belles choses à réaliser, d’ailleurs ils sont premiers du championnat. Mais j’ai toujours privilégié mon intégrité footballistique.
Nous en avions parlé à l’époque mais le traitement que tu subissais de la part de la presse algérienne était « particulier »…
En Algérie, la presse sportive c’est beaucoup de mensonges ou d’informations inutiles et certains savent très bien s’en servir pour leurs intérêts. Je n’ai jamais eu envie de rentrer dans ce jeu pour ma part mais honnêtement il y a eu des choses qui m’ont fait mal, oui. Quand je parle de cassure, c’est de là que cela vient. C’est là aussi que la confiance a disparu, même si cela allait mieux je savais qu’à n’importe quel moment cela pouvait mal repartir d’où mon choix définitif de partir.
A ce moment là, certaines rumeurs ont couru sur l’intérêt de formations de Ligue 2. Un retour en France a-t-il été à l’étude ?
Oui c’était même un intérêt très concret. J’avais des pistes en France, en Ligue 2 effectivement, mais aussi à l’étranger à ce moment là.
Tu sais, après Grenoble j’avais besoin de changer de vie, de me mettre un peu plus en difficulté. Grenoble c’était le cocon, la maison. J’avais mes habitudes. Il fallait vraiment que je change complètement de contexte à ce moment là. En cela Sétif reste une superbe expérience, qui m’a ouvert d’autres portes derrière. C’est agréable d’avoir vu l’intérêt de certaines équipes de Ligue 2.
Pourquoi finalement ce choix des Sundowns et de l’Afrique du Sud ?
D’abord un choix de vie. La Ligue 2 c’était tentant. Passer sur Bein tous les vendredis, pouvoir être vu par la famille, les amis. Mais j’avais envie de vivre autre chose sur le plan humain. L’Afrique du Sud était une formidable opportunité, le genre qui ne se présente pas deux fois. Sur le plan sportif le club était en plus le champion d’Afrique en titre et j’avais pu jouer contre eux avec Setif et voir la formidable ambiance dans leur stade.
Pour être franc ça fait aussi vraiment du bien de couper avec la France et toutes les choses qu’y s’y passent et dans lesquelles j’ai du mal à me reconnaître. La France ça reste mon pays, je sais tout ce que je lui dois en matière d’éducation, de formation mais ça fait du bien d’avoir l’esprit ailleurs. J’aime y revenir ponctuellement, voir les amis, la famille mais j’adore ma vie ici.
Justement, dis-nous en un peu plus sur ta vie en Afrique du Sud.
Déjà pour te situer géographiquement avec les Sundowns on joue à Pretoria mais on s’entraîne régulièrement à proximité de Johannesburg.
L’anglais constitue la base pour communiquer même si ce n’est que la 3ème langue ici derrière le zoulou et l’afrikaans.
Sportivement la petite particularité c’est que l’on joue tous les 3-4 jours. Mais à côté de ça on a des périodes de coupure et le staff a l’habitude de nous laisser à chaque fois quelques jours de repos. Cela m’a permis de visiter d’autres villes, de faire un safari, d’aller voir le quartier et la maison de Nelson Mandela, de visiter le Musée de l’Apartheid… C’est vraiment un magnifique pays.
Historiquement la fin de l’Apartheid est finalement très récente, 1991. On est dans un vécu au quotidien tout juste post-Apartheid avec donc forcément des traces encore présentes. C’est ce qui peut surprendre le plus en tant qu’Européen. J’ai vu peu de métisses, peu de couples mixtes noir et blanc. Dans d’autres régions du pays c’est peut être différent mais moi c’est la première chose qui m’a surprise. On sent qu’on est encore en évolution à ce niveau là.
Johannesburg est une ville très jeune, seulement 71 ans, mais elle est remplie d’Histoire.
Socialement, quelle place occupe le football et comment est-il vécu par les supporters ?
Au stade, on a 80 000 personnes pour les grosses affiches. C’est le sport n°1. C’est surprenant, je pensais que le rugby était plus populaire. Mais l’engouement pour les deux sports est impressionnant. On a l’habitude de dire que le football est davantage le sport des noirs et le rugby celui des blancs, au niveau de la composition des tribunes c’est assez vrai mais il y a tout de même du mélange.
Au niveau de l’ambiance après avoir connu l’Algérie tout paraît plus calme (rires). Là où l’ambiance est vraiment ultra chaude en Algérie, c’est beaucoup plus bon enfant en Afrique du Sud. Il n’y pas d’insultes, pas de manque de respect. J’ai quand même vécu un dérapage avec un envahissement du terrain de la part des supporters des Orlando Pirates après notre victoire 6-0 là-bas.
La question que tout le monde se pose : Vuvuzela ou pas ?
Toujours des Vuvuzela, et ça casse toujours un peu les oreilles au bout d’un moment (rires).
D’un point de vue personnel comment se sont passés ton intégration et tes premiers mois de compétition ? J’ai vu que tu avais été élu joueur d’un match dès ton arrivée ?!
L’intégration a été facile, j’ai été très bien accueilli par les joueurs et le staff. C’est un club très familiale, on est vraiment bichonné et parallèlement il est extrêmement pro donc il a été facile de trouver mes repères. Il y a quelques joueurs ivoiriens dans l’effectif avec qui j’ai pu parler français mais sinon c’est un groupe très cosmopolite avec des Colombiens, un Brésilien…
Pour le trophée de joueur du match oui c’était pour mon 2ème match. Ca fait bien évidemment très plaisir et ça booste pour la suite. Là ça fait quelques matchs que je joue moins. Ici on est en général dans une configuration où tout le monde joue puisqu’on enchaine énormément de matchs mais là on a eu une série de mauvais résultats et l’entraîneur a décidé de miser sur la stabilité donc je débute souvent sur le banc. Je suis encore suspendu pour le match de dimanche mais je reviens pour le match suivant qui aura lieu dès mercredi. Et la ligue des champions débutera le 12 mai.
Niveau positionnement j’évolue régulièrement milieu gauche dans un 442. C’est un poste qui me plait, qui me permet de jouer entre les lignes. Il est très exigeant tactiquement mais c’est là que je peux profiter de l’excellente formation dont j’ai bénéficié.
Tu considères la Premier Soccer League comme un championnat tactiquement relevé ?
Surtout pour les équipes de tête mais oui c’est un championnat où la tactique occupe une part importante. On travaille énormément le positionnement tactique lors des entraînements et on fait bien 6-7 séances vidéo par semaine. Comparativement à Sétif nous n’avions qu’une séance vidéo de temps en temps par exemple.
C’est vrai que ce n’est pas forcément quelque chose que l’on imagine quand on pense football sud-africain. Moi je m’y attendais suite à une longue discussion avec le coach avant ma signature. C’est tout sauf un hasard qu’un club sud-africain ait remporté la ligue des champions.
Que peux-tu nous dire de Pitso Mosimane, ton entraîneur ?
C’est un entraîneur sud-africain, il a même été l’entraîneur de la sélection. Il a été nommé 10ème meilleur entraîneur du monde l’an dernier (>> le classement). Il a gagné énormément de titres. C’est quelqu’un pour qui j’ai une très haute estime, tant pour l’individu que pour ses compétences.
Quels sont tes prochains objectifs ?
Cela va être simple : gagner le championnat. Je suis ici pour ça : gagner des titres, vivre de belles choses. C’est pour ça que je fais du foot.
Après sur un plan plus personnel poursuivre ma progression. Je me sens progresser sur tous les plans, je veux poursuivre dans cette voie. Et puis m’éclater, prendre du plaisir, c’est comme ça que suivront les performances.
Ton équipe a participé au dernier mondial des clubs… Ca ne te fait pas envie ?
Bien sûr que si ! C’est un gros objectif ça, qui motive énormément mais il faudra faire un gros parcours pour y arriver.
Tu as signé un contrat de deux ans et demi, tu te vois rester autant de temps ici ?
Franchement oui. M’installer définitivement ici ne me dérangerait pas. C’est vraiment un magnifique pays, une atmosphère géniale, qui donne envie de s’investir, de se dépasser.
On te sent vraiment très épanoui…
Je le suis. Je ne me suis vraiment pas trompé en faisant ce choix, je me sens bien ici.
Vous retrouverez ce dimanche la 2ème partie de l’interview du joueur consacrée à la thématique »GF38″