Gilbert Notturno (Yeti’s Grenoble) : « Faites moi rêver »
Nous souhaitions discuter avec lui de la qualification historique de « ses » Yeti’s pour la finale à 4 de la coupe de France (25 et 26 avril, à la Halle Carpentier de Paris). Nous l’avons fait. Mais Gilbert Notturno, le président du club de roller-hockey grenoblois, n’a finalement que peu évoqué le domaine purement sportif dans le long entretien qu’il nous a accordé il y a quelques jours. Il nous a davantage parlé de ses doutes, de ses craintes, de ses espoirs. Du roller-hockey en général. Des Yeti’s en particulier. « Digne et fier », comme le rappelle la devise du club, mais surtout avec humilité et passion. Interview.
Gilbert, vous vous êtes qualifiés il y a quelques jours pour les phases finales de la Coupe de France qui se dérouleront à Carpentier…
On peut dire que jusque là c’est la bonne nouvelle sportive de la saison. Cela me fait surtout plaisir pour les joueurs. Ce qui m’importe c’est l’humain, c’est le groupe.
C’est aussi l’occasion d’aller chercher un trophée…
Oui, cela fait partie de l’ambition. De mon ambition en tout cas, que j’essaye de transmettre à l’équipe. Je pense que c’est difficile pour des amateurs qui travaillent, avec une saison qui est longue. Quand tu arrives à Carpentier, tu as pratiquement atteint ton objectif, tu participes à la fête. Ce n’est pas forcément vrai pour tous ce que je dis. Mais là, même si quand ils seront sur place je pense que leur objectif sera de gagner, j’ai plus entendu « on veut aller à Carpentier » que « on veut gagner la Coupe de France ».
Tu parles de fête, est-ce aussi en général l’occasion d’un petit coup de projecteur sur le roller-hockey ?
Cela se fait sur un week-end, je trouve ça bien, ça remet le roller-hockey sur le plan de la modestie que j’aimerais que l’on retrouve. Il ne faut pas que l’on se prenne pour des professionnels. Nous sommes loin de l’être, même si on a une ambition dans le travail et dans les motivations qui permettent de le faire penser.
Est-ce que la participation à cet événement à un coût ou au contraire permet-il de faire rentrer un peu d’argent dans les caisses des clubs ?
Non ça aura un petit coût même si on essaye de resserrer au maximum le budget en partant en minibus, en prenant un hôtel en dehors de Paris.
Ce qui rapporte de l’argent dans le roller-hockey aujourd’hui c’est de ne pas participer à la coupe de France, de ne pas aller en play-offs et de ne pas faire la Coupe d’Europe. Moins il y a de matchs, mieux c’est (rires).
Pas de chance pour les Yeti’s, votre qualification en play-offs est validée. Qu’attends-tu de ces phases finales ?
J’ai toujours eu pour habitude de leur mettre des ambitions car je leur dis tout le temps que c’est leur seul salaire. Ils n’ont pas de salaire. Si on ne leur donne pas d’ambition, ça ne sert à rien. Soit ils capitalisent là-dessus, soit ils ne capitalisent pas. Pour moi, l’ambition est toujours la même : aller au bout. Maintenant,on est obligé d’être au moins en quart de barrage des play-offs et je trouve ça déjà bien. Ce que j’aime c’est l’implication des joueurs. Elle semble aujourd’hui exister, il y a une « équipe ». Le talent ça m’importe moins.
Trouves-tu l’équipe moins talentueuse que l’an passé ?
Je ne sais pas ce que ça veut dire le talent, oui peut être moins talentueuse, après ça serait leur faire injure de dire ça, disons plutôt qu’il y a moins d’individualités qui sortent du lot.
Je suis en plus presque persuadé que cette équipe là, si elle prend conscience de sa valeur et se donne les moyens, peut aller très haut. Après, pour des amateurs, c’est dur la compétition. C’est un monde injuste ; si on n’accepte pas l’injustice, on ne fait pas de compétition. La compétition c’est le sommet du libéralisme financier. Si tu veux être un bon libéral, qui écrase les autres, fait de la compétition. Même si on garde nécessairement ce côté compétiteur c’est pour ça que je m’attache aussi, et surtout, à l’humain.
Cette vision n’est-elle finalement pas incompatible avec l »existence d’une équipe Élite ?
Notre équipe Élite a un avenir, c’est une obligation. Tu ne peux pas t’exonérer de ça. Si demain les Yeti’s tombent en N3 je ne sais pas si le club survivra.
Maintenant, je suis toujours parti du principe qu’il fallait être honnête et ne pas raconter des choses aux gens. J’ai toujours dit que d’avoir un championnat « Elite » en roller-hockey ne voulait rien dire. En « élite » de quoi ? Parlons de 1ère division ça reflètera davantage la réalité.
Ce qui m’ennuie, c’est que le roller-hockey n’arrive pas à avoir d’identité. Les play-offs, par exemple, c’est normalement réservé à des sports pro’. Il faut avoir des moyens, du temps de libre. Je ne veux pas tomber dans les prédictions, je ne détiens aucune vérité, mais aujourd’hui je ne sais pas si le roller-hockey va tenir encore 10 ans.
« Pas d’identité », tu regrettes que ta discipline essaye de copier le « grand frère glace » ?
Je ne sais pas si c’est le grand frère. Ni grand , ni frère d’ailleurs. On n’arrive pas à être du roller-hockey. Je préfèrerais qu’on soit l’original plutôt qu’une mauvaise copie. Un exemple, a été évoquée la question de disputer des matchs en semaine. Je me demande même comment on peut ne serait-ce qu’y réfléchir. Ou alors la personne n’a jamais été contrainte à la réalité. Comment des étudiants, des gens qui travaillent à côté peuvent se mobiliser pour aller jouer en semaine ? Il faudrait que le roller-hockey trouve son propre chemin.
Après je me suis beaucoup trompé dans ma vie. J’ai souvent changé d’avis aussi. Donc peut être qu’un jour le roller-hockey sera professionnel.
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