Gilbert Notturno (Yeti’s Grenoble) : « Faites moi rêver »

Gilbert Notturno (Yeti’s Grenoble) : « Faites moi rêver »

notturno gilbertEst-ce que c’est difficile aujourd’hui pour les Yeti’s de survivre sur le plan financier ?
Pas difficile, non. Par contre je me demande tous les jours comment on fait pour faire vivre 200 adhérents avec 100 000€. Cela doit faire 10ans qu’on a 100 000€. Si on veut progresser, il faudrait qu’on augmente notre budget. Je sais qu’on ne l’augmentera jamais. La seule chose qu’on fait c’est s’enlever des bouts de choses. Le corps des Yeti’s s’enlève petit à petit une main, un bras. On s’est ainsi enlevé la N3, puis les féminines. On m’a beaucoup critiqué sur ces choses là. On m’a reproché de tout mettre dans l’équipe élite. Mais si demain on ne mets plus rien dans l’équipe élite, le club n’existe plus.

Peut-on s’attendre à de nouvelles coupes dans le vif au cours des prochaines années ?
Non, je pense qu’on est arrivé au bout. Mais il faut qu’on redevienne « modeste ». Je ne vais pas rentrer dans des grands discours politique mais le monde est entrain de changer et nous nous faisons comme s’il ne changeait pas.

Ressens-tu de la lassitude en tant que président ?
Oui, parfois. On peut même employer le mot usé.

Qu’est-ce qui te motive encore finalement ?
Les gens. Des gens que je n’ai pas envie de quitter. L’équipe élite. Ce sont des mecs biens. C’est l’humain qui me fait rester. Le reste est tellement accessoire…
Même les jeunes, qui arrivent avec leurs défauts et qualités, représentent les valeurs qui m’intéressent. Je veux rendre hommage à l’équipe 1. Sans eux il y a longtemps que je serais parti.

Envisage-tu malgré tout aujourd’hui de partir ?
De passer la main oui. Il y a besoin de renouvellement. Après, je suis inquiet. Ce club a été construit, je l’ai construit, sur certaines choses et pas tout le monde est obligé d’adhérer. Ce n’est pas ma propriété privée, au niveau des valeurs et des idées. Je ne sais pas comment faire pour franchir ce cap là, pour faire comprendre ça aux gens.
Il y a également un gros mot que personne ne veut assumer : la responsabilité. Pour n’importe quoi. Quand y a un problème on me ressort « c’est toi le président », ce qui est vrai. Le problème c’est peut être qu’à un moment donné j’ai pu me prendre pour dieu. On est rentré dans l’ère des jugements, sans apporter de solutions derrière. C’est résiduel mais j’ai peur que ça augmente. Je ne veux pas imposer MA vision des choses mais au final je l’impose quand même de fait puisque personne ne vient présenter la sienne.
C’est très prétentieux de ma part mais je pense que si j’arrête là, ils sont « morts ». J’en fais peut-être trop. Ce n’est quedu sport. Et ça peut effrayer des bonnes volontés. Je ne sais parfois pas à qui je parle, si ce n’est à moi.(rires).

Quel message voudrais-tu faire justement faire clairement passer à un éventuel successeur ?
Trois mots m’ont toujours marqué : associatif, bénévole et social. Après il faut décliner ça sur le plan sportif en compétition, formation et lien social. J’aimerais que ça perdure mais je ne suis pas dépositaire, ce qui m’ennuie c’est ça. Ce que j’aimerais c’est que quelqu’un arrive avec un projet. C’est compliqué d’arriver avec un projet dans une association aujourd’hui. C’est toujours pareil, c’est la volonté d’un homme, de deux hommes maximum.

Pour rebondir sur cet aspect lien social qui te tient à cœur et apporter une touche positive : le récent tournoi de handi-hockey que vous avez co-organisé avec EASI et le CRSU Grenoble a été une réussite…
C’est une mise en avant de la diversité. On est dans un monde de diversité, on fait semblant de croire qu’on va se refermer mais avec qui, avec quoi ? On va finir tous avec notre petit drapeau dans notre coin à ce regarder le nombril. On a besoin de faire du sport avec des handicapés, on a besoin de faire de la compétition de haut niveau, on a besoin de tout. Donc oui ce genre de manifestation, j’aime. D’autant qu’on a fait ça avec des gens qui partagent ces valeurs. J’ai aimé l’implication des gars de l’équipe élite, j’ai aimé que le club s’associe à cette action.

Est-ce que tu penses que ton club ne met plus en place aujourd’hui suffisamment de ces actions socio-éducatives ?
Oui.

Pourquoi ?
Quelques égoïsmes qui commencent à monter. Je ne critique personne, ce n’est en plus même pas fait par calcul ou méchanceté. Mais on est dans une société marquée par du « repli ». Même au niveau du club cela se ressent.

Votre déménagement sur le campus joue-t-il sur ce sentiment de repli que tu évoques ?
Sûrement. C’est vrai qu’on se retrouve entre nous le plus souvent. Le roller-hockey souffre de toute façon globalement d’un défaut d’infrastructures. Au CSU, on n’est rien. On doit compter sur les bonnes volontés pour monter/démonter le terrain. Ça aussi ça me pèse. Je commence à me faire vieux, j’ai mal au dos, quand je vois que j’arrive pas à aider… Je n’arriverai pas à n’être qu’un président qui donne de la voix au niveau de la tribune. Ce sont toujours les mêmes qui viennent aider en outre. Je crains qu’un jour nous n’ayons tout simplement plus assez de gens motivés.

Un souhait à formuler pour conclure ?
Faites moi rêver. Ce n’est pas un souhait que j’adresse uniquement aux joueurs. Il est pour l’ensemble du club, toutes les personnes qui font partie des Yeti’s.

Crédits photos : Florence Anton / Philippe Durbet