Grégory Bardaro, clap de fin pour un passionné très discret
Il a toujours préféré l’ombre du banc de touche à la lumière médiatique. Malgré sa crainte « d’oublier de citer des gens importants dans ma vie » et sa réticence à parler de lui, Grégory Bardaro nous a accordé un long entretien, quelques jours après son dernier match à la tête de l’AC Seyssinet. Portrait d’un jeune retraité à la vision romantique assumée d’une discipline qui a profondément marqué sa vie.
Grégory Bardaro a vécu son dernier match sur le banc de Seyssinet il y a quelques semaines. Avec beaucoup d’émotions, forcément. « Ce que le club, mes amis, ma famille ont fait sur ce dernier match là, c’était juste incroyable. Je ne m’y attendais pas du tout, j’ai été agréablement surpris et très touché. Cela a été une grosse charge d’émotions, notamment en fin de causerie. J’ai essayé de profiter de chaque moment sur cette journée. »
A seulement 35 ans, le co-entraîneur de l’ACS, qui était éducateur au club depuis une dizaine d’années, a décidé de se retirer. « Ce n’est pas que Seyssinet, c’est le chapitre football de ma vie qui se ferme, en tout cas en tant qu’entraîneur, éducateur et formateur ».
Une décision mûrement réfléchie qu’il nous explique plus en détails. « Déjà, c’est vrai que je n’ai que 35 ans et que cela me classe dans la catégorie « jeune entraîneur », mais au final cela fait 18 ans que j’occupe ses fonctions. J’ai arrêté très tôt de jouer, pour ne faire plus que ça. Et quand je fais les choses, j’essaye de donner le maximum. Cela m’a demandé un investissement permanent, entraînements, matchs, réunions, diplômes… cela m’a demandé du temps et des sacrifices. Mais je n’ai aucun regrets car cela m’a permis de faire de nombreuses belles rencontres.
Sur ma décision d’arrêter, elle est plus liée à une usure générale. J’ai toujours dû cumuler plusieurs boulots afin de m’y retrouver et il est vrai que l’impression de ne peut pas pouvoir exprimer pleinement ses idées en voulant être performant et efficace dans tous ces domaines devenait frustrant sur le long terme. Et puis il y avait ce que je voyais, ce que j’entendais quand j’étais autour des terrains qui était de moins en moins en raccord avec ma vision du football. Celle-ci est peut être trop « romantique », mais ça reste la mienne et donc j’ai pris une décision personnelle. Le but n’est pas d’envoyer un message aux gens, je ne suis personne. C’est uniquement mon ressenti. Il peut y avoir de la compétition, de l’engagement mais il ne faut pas que cela dépasse les limites. Aujourd’hui ce n’est plus un milieu où je me sens épanoui, du fait de certains comportements, que cela soit chez les très jeunes ou chez les moins jeunes d’ailleurs. »
Un recul sur le football actuel qu’il a perçu aussi bien en tant qu’éducateur, que simple observateur. Pourtant le discours de Bardaro n’est en rien amer. « Parce que j’ai toujours considéré que c’était le chemin parcouru le plus important et pas forcément la destination. Et que ce chemin, mon chemin a été une incroyable aventure. J’ai rencontré des personnes exceptionnelles. Aujourd’hui je n’ai pas de regrets. Je referai exactement la même chose si j’avais à recommencer. Car mes choix m’ont amené à ma situation du moment et j’en suis très fier. Je défendrai le foot jusqu’au bout parce que c’est ma passion. C’est juste que je ne suis plus épanoui dans ma posture d’éducateur. »
Le technicien a d’ailleurs souvent eu cette image du « plaisir avant le résultat » et d’adepte du beau jeu qui lui a collé à la peau. « Il y a pire comme image non? (Rires) mais tu pourras demander aux joueurs que j’ai pu diriger, je suis certainement le plus gros compétiteur. Même quand je joue aux cartes avec ma famille (rires), je joue pour gagner! Il y a une phrase qui correspond bien à mon état d’esprit : gagner à tous prix mais pas à n’importe quel prix. Certains pourront me charrier en me disant que je n’ai pas gagné de titre. Pas de soucis, je l’entends. C’est un constat : je n’ai pas été un éducateur de titres et de trophées mais pour moi ces aspects très importants ne devaient être que la conséquence des différents projets mis en place pour y arriver. Mais si je n’étais pas convaincu que d’avoir des intentions de jeu permettait de gagner des matchs je n’aurais pas fait ce choix là. La beauté de ce sport c’est qu’on peut gagner de plein de manières différentes. Je n’ai jamais considéré mes convictions comme étant les seules ou les meilleures, ce sont simplement les miennes. Si ça ne tenait qu’à moi je te dirais même que les coups de pied arrêtés ne devraient pas exister dans le foot (rires) ; ça reste vraiment juste ma vision.
Pour moi il y a aussi des valeurs à transmettre, peu importe la catégorie, et aujourd’hui quand je regarde ce que sont devenus des garçons que j’ai pu avoir, les différents échanges que l’on peut encore avoir, je me dis qu’une partie du taff a été fait, c’est ma plus grande fierté. Le côté éducateur a toujours fait partie de ma vie, j’ai eu la chance d’avoir une éducation magnifique et j’ai essayé de transmettre ces valeurs là, en lesquelles je crois fortement. Certains ont adhéré, d’autres moins. Mais après c’est la vie, il ne manquait pas grand chose je pense pour franchir un cap. »
Et la suite alors, est-ce qu’un beau projet ou les « millions » des clubs lyonnais pourraient lui faire reprendre du service ? « Honnêtement non. J’ai entendu les rumeurs qui disaient que j’arrêtais à Seyssinet parce que j’avais quelque chose de plus grand mais c’est complètement faux. Aujourd’hui c’est un nouveau chapitre de ma vie qui s’ouvre. »
Greg a promis a ses anciens joueurs qu’il continuerait toutefois à les suivre. « Ils m’ont dit que je n’avais pas le choix de toute façon (rires). Mais oui ces personnes sont devenus la famille, j’irai voir des matchs de Seyssinet mais aussi ceux de mes amis qui jouent ou entraînent un peu partout. »
Une riche carrière d’éducateur
J’ai commencé comme joueur à Norcap où j’ai fait toute mon école de football. A 13 ans, après une blessure et a l’issue de la fusion qui a mené à la création du GF38, je me retrouve à Seyssinet ; c’est là que tout a commencé avec ce club, j’y joue jusqu’à mes 17 ans à peu près !
Après je me suis retrouvé à Seyssins et pour finir un an au GF38 à uniquement m’entraîner avec l’équipe DH entraînée par Roger Garcin. L’année suivante je devais signer une licence mais l’équipe 3 a été arrêtée. Je n’ai pas re-signé dans un club comme joueur.
J’ai commencé à entraîner à Seyssins quand j’étais joueur grâce à un ami à moi qui m’a mis le pied à l’étrier et qui a fait que très vite c’est devenu quelque chose d’important dans ma vie. Tout petit je découpais déjà les articles de France Football de tous les coachs, j’essayais de comprendre certaines choses.
Avec Seyssins tout s’enchaîne. J’y prends goût, je fais une demi saison avec l’ami en question puis, la saison suivante je prends une équipe tout seul, à l’époque c’était les poussins. Pour la petite anecdote je suis encore aujourd’hui en contact avec des garçons que j’ai eu à l’époque, j’avais moi 17 ans eux en avait 10.
Je fais 2-3 ans à Seyssins après je me retrouve au GF38. Quand l’équipe 3 disparaît je me rends compte qu’il y a peut être des choses à faire, des diplômes à passer, avec peut être une optique professionnalisante.
Je me retrouve à passer à l’époque l’initiateur 1, l’initiateur 2… Le brevet d’état, en 2008/2009, est une étape très importante dans mon parcours. J’y côtoie des personnes avec des compétences qui correspondent vraiment à ma vision de voir les choses. J’apprends à me connaître puis je découvre des méthodes qui me conviennent parfaitement. Je côtoie des personnes très compétentes comme Julien Sokol, Nadi Derran, Pierre Sage, Jean-Yves Ogier, des personnes avec qui je suis encore en contact aujourd’hui. Ces personnes sont dans le meilleur centre de formation de France, à l’OL. J’ai été formé par ces professionnels là, ça reste quelque chose de très riche et une chance pour moi. Cette période est un vrai tournant pour moi, ce brevet d’état me demande beaucoup de sacrifices mais il me construit en tant que personne et en tant qu’éducateur
Je continue un peu l’aventure à Grenoble et puis je récupère les 15 ans ligue à Seyssinet. Puis j’enchaîne à l’ACS avec d’autres équipes, la responsabilité d’une catégorie… puis j’essaie de mettre en place des projets au niveau du club. Je vois ce qui marche, ce qui ne marche pas, j’essaie aussi que tout le monde adhère, ça devient participatif… Je ne saurais pas l’expliquer mais il manque toujours un petit truc pour que ça accroche, que ça bascule, mais je n’ai pas de regrets. Je continue à passer mes diplômes et puis je finis par récupérer les seniors à Seyssinet
La relation avec Mathieu Cianci
J’ai entendu beaucoup de choses fausses à ce sujet. Ma relation avec Mathieu est plus que saine et va au-delà du foot. J’ai pris énormément de plaisir à bosser avec lui, c’est une personne extraordinaire, qu’il faut apprendre à connaître.
C’est quelqu’un de très généreux, de très disponible, qui a toujours eu pour objectif que ça fonctionne pour tout le monde, pas que pour son équipe.
Sur le papier c’était un peu partir à l’aventure, on a appris à se découvrir au fil du temps, à trouver le juste milieu dans notre fonctionnement commun. Il avait des compétences que je n’avais pas et sur lesquelles je me suis appuyé, j’ai appris à ses côtés dans plein de domaines.
A lui de continuer son chemin maintenant, je suis très fier, il le mérite, il a plein d’idées, un vrai état d’esprit de club, de catégorie. Il a une très grande part de responsabilité dans les bons résultats sportifs des seniors cette année. En tout cas je le remercie de m’avoir accompagner ces 3 années et de m’avoir supporter au quotidien! Je m’excuse auprès de sa femme et sa famille de l’avoir plus vu qu’eux (rires)! J’espère qu’il me pardonneront!
Le staff qui reprend est hyper riche, complémentaire, avec Yann (Fayollat) qui connaît très bien la structure, qui va apporter son expérience de joueur et Hugo (Cianci) qui a un vécu joueur qui va permettre au groupe de gagner en maturité. Je souhaite toute la réussite possible à ce club qui restera forcément dans mon cœur.