Mathieu Cianci (AC Seyssinet) : « Je n’ai plus envie de jouer cette mascarade »

Mathieu Cianci (AC Seyssinet) : « Je n’ai plus envie de jouer cette mascarade »

Le co-entraîneur de l’AC Seyssinet se dit prêt à « tout arrêter ». En cause, son incompréhension face à l’incohérence des mesures prises dans le cadre de la situation sanitaire et sur leurs conséquences sur une compétition qui repose à ses yeux sur d’encore trop nombreuses incertitudes.

Mathieu on te sent remonté suite à l’annonce de l’annulation de votre premier match de préparation…

« C’est une blague, ça ne dérange pas les autres clubs ce qui se passe ? Je ne comprends pas, on annule un match amical car pas de vestiaires puisque c’est interdit et que les communes suivent ça. Comment peut-on imaginer faire de la route sans que les joueurs puissent se doucher à la fin du match, comment fera-t-on une fois qu’on aura commencé les championnats, dans seulement quelques semaines ? »

Pour toi certaines mesures devraient être assouplies ?

« Pour moi il faut déjà qu’il y ait de la cohérence. En ce moment tu vois qu’il y a un brassage partout en France avec les vacances, tout le monde se mélange avec tout le monde. Pour ne parler que du football on reste un sport de contact, pendant 90 minutes tu vas être au contact de tes coéquipiers, au duel avec tes adversaires. Lors des séances c’est la même chose. Au niveau amateur c’est beaucoup plus compliqué de laver tes chasubles, le matériel etc. Et encore on voit que les cas se multiplient au niveau des clubs pro’ qui eux sont pourtant surprotégés à ce niveau là.

Et derrière on considère donc que c’est davantage dangereux de partager un vestiaire ou de se doucher ? Un joueur qui va prendre sa voiture en étant tout en sueur, voiture qui sera utilisée le lendemain par sa conjointe et ses enfants ce n’est pas également un risque donc ?
Pour moi soit ce genre de blocage est levé et on peut retrouver des conditions d’hygiène qui sont le b-a ba de la pratique sportive, soit on considère qu’il y a un risque mais alors on admet que ce risque il est présent globalement sur la pratique et on ne tente pas de passer en force comme on est entrain de le faire, en jouant au final sur la santé de tout le monde. »

Tu sembles plutôt sur la deuxième tendance, la situation actuelle t’inquiète ?

« J’ai conscience de l’importance quasi vitale pour les clubs de reprendre mais je sais aussi que si on doit s’arrêter dans 4 mois parce que l’épidémie est repartie cela ne sera pas davantage bon pour la survie des clubs. Quand je vois que les clubs pro’ sont impactés malgré toutes les mesures que eux ont les moyens de prendre je suis inquiet oui, et je me dis que tous les jours tu vas au casse pipe puisque comme je te le disais à notre niveau on porte des masques avant les séances, on met à dispo’ du gel, on fait attention sur la répartition des chasubles et on a un « monsieur matériel » qui s’occupe de ça mais au delà de ça c’est difficile de faire beaucoup plus. On ne peut rien contrôler du tout au niveau des tests, à part si un mec arrive en nous disant qu’il a été contrôlé positif. Mais quid des cas asymptomatiques, quid de la situation chez les adversaires ?
Au-delà du COVID il y a aussi des risques niveau santé, de blessure notamment, avec des préparations impactées. Je pense aux équipes actuellement en quatorzaine, au-delà de l’impossibilité de pouvoir faire des matchs amicaux. Il y a une certaine forme d’iniquité qui va naître de cette situation. »

Les clubs amateurs, comme tu l’évoques, n’ont pas non plus vraiment les moyens d’en faire beaucoup plus…

« Je t’avoue que des fois je me pose des questions. Si demain on doit faire un match amical sur notre synthétique, qui est ouvert aux quatre vents, on n’aura pas les moyens humains de faire la police pour dire aux gens de mettre un masque ou leur expliquer que c’est interdit. Est-ce vraiment notre rôle de toute façon ? On nous dit que si on ne respecte pas toutes les mesures qu’il y aura des sanctions. Cela laisse la porte ouverte à des répressions ciblées pour moi : on va faire des rapports uniquement sur certains clubs en fermant les yeux sur d’autres. »

A ton niveau, comment peux-tu, comptes-tu réagir ?

« Ce qui m’importe aujourd’hui c’est la santé de mes joueurs, la santé des mes proches et ma santé. Je m’interroge déjà sur la poursuite des entraînements. J’ai l’impression qu’on a oublié qu’il y a un danger alors que le monde amateur n’est pas protégé. Je n’ai plus envie de jouer cette mascarade. Je me pose beaucoup de question vu la situation aujourd’hui début août alors qu’on va reprendre le championnat très vite, le 12 septembre, alors que d’autres championnats auront repris dès fin août. Comment peut-on penser aujourd’hui que la compétition se déroulera sans problème alors que toutes les préparations, y compris celles des professionnels, connaissent des difficultés ? Est-ce que de prendre une douche deviendra instantanément sans danger à partir du 12 septembre alors que ce sera encore un risque le 11 ? Est-ce que l’idée c’est de faire prendre des licences vite à tout le monde tout en pensant qu’on pourrait s’arrêter plus tard ? Malheureusement cela ne fonctionnera pas, je vois beaucoup de parents qui s’interrogent face à la situation et à ses incohérences. »

Mais n’est-on pas dans une impasse de toute façon avec l’obligation de « vivre avec le virus » pour reprendre l’expression du gouvernement, y compris dans le sport amateur ?

« Sur ça je suis d’accord, il faudra apprendre à vivre avec. Après il y a déjà la question des responsabilités : il ne faudra pas pointer du doigt les joueurs et les clubs, qui ne font que suivre les directives qui viennent de plus haut, en cas de relance du virus.

Ce qui me dérange ensuite c’est d’être le cul entre deux chaises. Pour moi il y a deux options :
– soit on dit qu’il faut y aller comme avant, en tout cas en retirant les contraintes qui me semblent incompatibles. On allège l’organisation et on donne les moyens aux clubs de garantir à leurs joueurs qu’ils soient protégés. Et derrière il faudra assumer.
– soit on dit clairement qu’au vu de la situation la reprise des sports de contact a été précoce et qu’on se rend compte que dans la pratique il n’y a pas les garanties suffisantes pour que cela soit sans risque et on retarde la reprise.
Si on reste entre les deux je ferai le point avec mes dirigeants et mes joueurs mais avec l’envie de tout arrêter. On ne peut pas jouer avec le feu en faisant de l’à peu près, c’est une blague d’agir comme nous le faisons actuellement. »