Claudio Donoso (AJA Villeneuve) : « Ils sont entrain de nous dégoûter du foot »

Claudio Donoso (AJA Villeneuve) : « Ils sont entrain de nous dégoûter du foot »

L’histoire a fait grand bruit dans le petit monde du football isérois ces derniers jours. La rencontre AJA Villeneuve – Vallée de la Gresse B a été déplacée (et ne s’est finalement jamais jouée) au grand dam du club grenoblois et d’autres clubs du championnat D1 de football, qui ont estimé l’éthique bafouée. Le club du FCVG a depuis communiqué (lire ici), tout comme celui de l’US Sassenage (lire ici). Nous avons contacté Claudio Donoso, le président et entraîneur de l’équipe fanion de l’AJAV pour également avoir sa vision des choses. Un dirigeant, un éducateur, un homme investi qui nourrit un principal regret, encore renforcé par cette histoire : devoir en faire deux fois plus que tout le monde pour finalement être considéré comme n’importe quel club.




Claudio, comment en est-on déjà arrivé à devoir jouer ce match à huis-clos ?

Nous avons été très mal accueillis lors du match aller. Alors on a l’habitude des ambiances chaudes, où ça chambre. Quand on vient à la Villeneuve, ça chambre aussi. Je considère que cela fait partie du jeu, tant que l’on ne franchit pas une certaine limite. Cette limite elle a été franchie. Certains mots, certains cris de singe… C’était trop. On s’est fait insulter tout le match, on a été menacé, on a été traité d’animaux, on nous a dit que nous n’avions rien à faire dans ce championnat. J’ai 37 ans, cela fait longtemps que je suis dans le foot, et à chaque fois que je suis allé jouer là-bas il y a eu des problèmes.

Pourquoi ne pas avoir fait un rapport ou porter plainte, vu la gravité des faits reprochés ?

C’est l’erreur que l’on a fait. Nous ne sommes pas habitués à faire des rapports. Mais je le dis très sincèrement : je suis aussi très déçu que les arbitres maghrébins, qui sont tout autant que nous l’objet de certaines insultes qui n’ont pas leur place dans le football, ne prennent pas leurs responsabilités. Sur le moment ils nous disent qu’ils le feront, mais ils ne se mouillent finalement jamais, ils s’enlèvent de l’histoire et le problème ne se règle jamais.
Ce qui m’a le plus choqué lors du match c’est les mots, les menaces, d’un dirigeant du club local, qui avait son petit brassard de délégué, et qui est un habitué de la chose. Comment peut-il se permettre ça sans jamais être inquiété ?

Comment on en est-on finalement arrivé à une situation où c’est vous qui avez dû recevoir avec huis-clos ?

Ca me dépasse que les incidents se passent à l’extérieur, qu’on subisse et qu’on soit les seuls punis finalement. Un délégué de la Ligue qui était présent pour le match suivant (FCVG B – AJAV se jouait en lever de rideau, ndlr) aurait entendu certains de nos supporters proférer des menaces. Qu’on se fasse traiter d’animaux pendant tout le match par contre…

En plus du huis-clos ce match retour a été marqué par plusieurs « péripéties »…

Notre terrain a été suspendu plusieurs matchs, on a dû se délocaliser à Cognin. Pour ces matchs là on n’a reçu aucun coup de fil, aucun courrier, tout le monde s’en fout. Par contre là on a reçu un mail une semaine avant le match parce qu’il fallait bien tout caler, pour que tout se passe bien. J’ai demandé pourquoi nous n’avions pas eu droit à autant d’attention lors de précédents matchs. On m’a juste répondu que « ce n’était pas pareil »…
Le président de la Vallée de la Gresse, M. Agaci, m’a également téléphoné à plusieurs reprises. Il nous a même proposé d’aller jouer le match chez eux, où « tout pourrait se passer dans les meilleures conditions possibles. » et que c’était trop risqué de jouer à la Villeneuve. Est-ce la peine de rappeler comment cela s’était déroulé lors du match aller ?
Je lui ai bien évidemment répondu non, que nous jouerions à la Villeneuve et pas ailleurs, le terrain n’étant pas suspendu, c’était uniquement un huis-clos.
Très rapidement c’est le District qui a pris le relais… Ils ont contacté la ville de Grenoble pour trouver un terrain de repli – le Clos d’Or finalement – en arguant que le terrain de la Villeneuve était suspendu. Comme personne n’a souhaité prendre en charge les éventuels coûts, cela ne s’est pas fait.
Après M. Agaci ne voulait pas jouer le samedi… Puis nouveau contact pour nous dire qu’il veut jouer en semaine avec, à chaque fois, le District qui nous contacte juste après nos refus… Donc en gros nous on ne choisit rien et c’est le président adverse qui décide de quand, de où. Et ça à 3 journées de la fin, alors que les enjeux sont importants et que cela risque de fausser le championnat. Au final, on peut se demander pourquoi la Vallée peut jouer le mardi mais pas le dimanche précédent, qu’est ce que cela change sportivement pour eux (c’est d’ailleurs ce que se sont demandés certains clubs du championnat d’où le communiqué du FCVG en lien en introduction, ndlr).

Tout ça pour finalement déclarer forfait…

Je voulais le jouer ce match moi. Pour une simple raison : montrer que nous ne sommes pas ces animaux dont ils parlent. Montrer qu’il n’y aurait eu aucun problème, qu’on sait accueillir les gens.

N’avez-vous pas le sentiment de souffrir d’un « délit de club de quartier », en étant jugé a priori, sur une supposée réputation plus que sur des faits ?

On le sait qu’on a une image difficile, qui est parfois justifiée. Mais là on ne nous traite pas comme les autres, on nous fait sentir différent. Les autres clubs du championnat s’en sont les premiers étonnés. Le District nous donne une sale image. Un club a peur de venir jouer donc on ne joue pas ? Mais pour qui cela nous fait passer ? Bien sûr que les gens vont se dire derrière que c’est encore la Villeneuve, encore les quartiers.

Un petit mot sur le championnat et la coupe. Après un bon début de saison, les résultats sont plus compliqués. Et quel est votre objectif en coupe alors que vous allez jouer les demies ?

C’est un peu lié avec ce qu’on disait ci-dessus. On a effectivement fait une superbe première partie de saison avec seulement une défaite. Depuis on n’a pris énormément de malus suite à notre suspension de terrain (qui entraîne déjà un -7 au classement) et on sait que si on prend quelques points en plus cela signifiera la descente automatique. Aujourd’hui mes joueurs ne jouent plus pour gagner mais pour ne pas prendre de cartons. Il n’y a plus du tout de plaisir. On sent qu’on ne nous ratera pas. La coupe c’est pareil, cela nous rajoute des matchs, des risques. Ils sont entrain de nous dégoûter du foot.

Un dernier message à faire passer ?

J’aimerais m’adresser à tous les clubs isérois : il faut se réveiller. Tous ces gens qui sont supposés nous représenter, ils sont entrain de tuer notre football. Dites stop ! Ils nous prennent pour des ânes mais on est capable de comprendre la situation. Comment un président de club peut-il aujourd’hui faire partie du District ? Il y a forcément des conflits d’intérêt qui se présentent. Pour moi c’est une secte. Ils se choisissent entre eux, les gens autour des Terres Froides. A se demander s’ils n’aimeraient pas que les clubs grenoblois se cassent la gueule. On nous a quand même dit qu’il fallait réfléchir à une fusion entre le FC2A, l’USVO et nous !
Si on venait à disparaître, on en ferait quoi de tous nos jeunes licenciés ? On propose une licence à 50€, comment feraient les familles pour inscrire leurs enfants dans des clubs où elle est 3 ou 4 fois plus chère ?
On essaie de mettre en place des choses au quotidien, on essaie de travailler pour nos jeunes. On aimerait que ce travail là soit aussi mis en avant, plutôt que de systématiquement chercher à ternir notre image.