Grenoble, c’est l’Argentine

Grenoble, c’est l’Argentine

Un de nos lecteurs, Lucas, nous a fait parvenir un texte sur sa vision du football grenoblois que nous vous partageons ci-dessous :

Grenoble c’est l’Argentine. On ne peut pas faire mieux pour introduire quelques lignes qui résumeront ce qu’est le football grenoblois. Car oui, c’est deux mots peuvent se toucher dans une même phrase, oui il y a un football grenoblois, un football qui ne brûle pas les loups, qui passe avant Olivier Panis dans l’inconscient collectif, qui fait oublier les JO de 68, un football qui passe avant l’épopée des verts et avant toutes autres fiertés locales à l’exception des Djorkaeff. Un football vintage, qui a détrôné les  pogs dans les cours de recrée, qui a prôné des potes en tournois “inter-quartier”. Un football instable sur stabilisé que seul Telefoot ou Thomas Price pouvait stopper. Et encore, même en fin de journée… « lumière orange qui s’allume, cheminées qui fument, partie de foot, improvisée sur le bitume ».
Grenoble c’est l’Argentine. Le titre est tout trouvé et il n’a pas fallu chercher bien longtemps, il était là, affiché, exposé, imposé, sur une banderole du stade des Alpes, notre « Stadio delle Alpi » à nous. Une banderole, un espoir, un regret qui nous renvoie à une autre banderole, un même regret, celle déployée par le public mexicain… finale du mondial 86, stade Aztec : « Maradona, pourquoi n’es-tu pas né au Mexique ? ». On y est, Grenoble c’est l’Argentine.

“El sentimiento” comme dirait Bielsa, le sentiment ça ne s’explique pas. On peut toujours décomposer le cocktail pour comprendre le mélange, les ingrédients, l’alchimie. Grenoble explose économiquement après guerre, l’ère industriel, l’air aussi, mines, tunnels usines… évidemment, la région en général. Débarquent corses, italiens, (siciliens et coratins… calabrais en Savoie). Ça commence déjà à sentir le Sud. Noix, gratin, pizzeria du coup ? « You can’t always get what you want » ce serait plutôt ça d’ailleurs le chant de nos supporters. Peut-être le seul moyen de pouvoir rivaliser avec Liverpool sur un domaine. Il en faut du temps pour arriver à la Ligue 1 et au projet japonais de voir Grenoble en Champions League. Mais c’est ça aussi les racines. Suivront Robert Malm, Ljuboja et Akrour. Les rumeurs de transfert de Feghouli à Chelsea, le derby de National gagné 4-3 contre Valence, le triplé d’Oguro contre Bastia. Le coup franc de Yanev dans les dernières minutes. Je le répète, Grenoble ça sent le sud. Et bien sûr le retourné de Rojas contre St Étienne parce que là encore, Grenoble c’est l’Argentine.

Seulement voilà, le quotidien, le boulot, c’est un boulot pour les mains et pour les dos qui se courbent. Un taf d’en bas pour des gens d’en bas, un taf du nord pour des gens du sud. Le social ou le soleil !
C’est la loi. Le voisinage change et amène dans ses valises son football, ses références, et quand ton voisin arrive d’Italie, d’Espagne, du Maghreb ou du Portugal, sans oublier d’autres régions d’Afrique, la Turquie ou même Marseille… alors les années passent, l’héritage devient l’ADN, la transmission orale reste fidèle à sa fiabilité millénaire, et le tout, marié à une once, une pincé d’exagération, ça donne ce cocktail. Les clubs de la ville s’appellent L’ASIEG (Association des italiens de Grenoble), les espagnols d’Echirolles, les tunisiens de St Martin d’Hères, l’UO Portugal… carrefour méditerranéen, construit entre fin 50 et fin 80 et qui s’est vu accoucher du boulevard des “nineties”. Un boulevard à sens unique, en boucle peut-être ? Un rond point avec un vendeur de pastèque au centre et où Rui Costa et Zahovic en voiture rouge immatriculé « Sagres », ou encore Rivaldo et Valeron, estampillés « La Corogne » ralentiraient la circulation. Klaxon, jurons, raleries et klaxon encore… mais avec les chansons
napolitaines ou du flamenco à fond dans le poste radio, que de spectacle ! L’immigration industrielle, c’est l’Atlas du football. Grenoble c’est le bled. Grenoble c’est l’Argentine.

On y est. Le cœur ! Le foot des années 90-début 2000 à Grenoble. Un vrai mix, à l’image du caractère cosmopolite de la ville. Ça se résume vite : De Boli à Bazda ! En passant par la couverture de FIFA 98 sur Play 1 avec Ginola, le penalty de Baggio, la Lazio de la « Cirio » « la coupe à la Nesta », le Parme de « Parmalat », la Sampdoria de Boskov, Grenoble c’est le Calcio. Veron, Batistuta, Balbo et Ortega…
Grenoble c’est l’Argentine. Hadji, Chippo, Bassir, cette génération volée… De La Pena à l’OM, Zizou contre le Betis Séville, Zizou contre La Corogne, Zizou contre le Brésil, Zizou contre le Brésil… Que des couleurs chaudes. Comme le dernier design d’un parasol, d’une tonnelle de marché ou d’une boîte de “Mr Freeze”… Quel brassage ! Le maillot dorée « Ericsson » de l’OM. Bon d’accord, Grenoble c’est aussi beaucoup Marseille. Même Sychev et Olembé oui. Et forcément, Ravanelli. Boksic ? Alors aussi Suker et Boban, et oui Grenoble c’est aussi la Yougoslavie. Le vrai Marakana. On conclu comme on a lancé : De Basile Boli à Bazda.
Enfin, l’espoir est le sentiment qui se dégage le plus de cette banderole. Le foot de demain à Grenoble, on peut mais surtout on doit le rêver. En respectant cet ADN. Alors comme ça, entre nous, on se met à imaginer un attaquant argentin, pas un premier de la classe évidemment mais un vieux briscard qui aurait de beaux restes, un genre de Juan Martin Palermo, ou Sosa « El Pampa » de la Serie C à la Serie A avec Naples. Ou un coup à la German Denis « El Tanque » qui avait signé en Calabre, à la Reggina en Serie C. Ou encore un renard italien qui connaît le métier, Pazzini, Quagliarella… Carlos Bacca en fin de
carrière ? Un nouveau challenge pour Aulas qui voudrait tenter sa version de “Berlusconi-Monza”?
Avec tout ça une montée en Ligue 1, quelques fonds et le coup de l’été avec la nomination d’un jeune coach argentin, Almeyda, Aimar, Crespo, Gallardo, Heinze ? Et un cadeau de Noël avec Higuain pour 6 mois, présenté au stade des Alpes en TN bleu ciel, jeans 501 et doudoune à fourrure Rivaldi, qui lancerait ses premiers mots en français, que dis-je en français, en grenoblois: “Grenoble c’est trop tchukar, Grenoble c’est l’Argentine”.